Sarah Ohayon : Montrer l’invisible !
Sarah Ohayon est une photographe française basée à Tel Aviv, connue pour capturer des scènes de rue et des instants de vie souvent invisibles au premier regard. Son travail mélange photographie argentique, numérique et vidéo pour refléter le monde qui l’entoure. A travers son objectif, elle capture des scènes de rue, des attitudes de personnages. Elle privilégie des moments bruts, sans retouches, permettant aux histoires de ses clichés de se construire à travers l’interprétation de ses spectateurs.
Son style unique joue sur l’ambiguïté des lieux et des temporalités. Par exemple, dans ses photos, des éléments banals peuvent paraître appartenir à une époque ou à un endroit bien différent de leur réalité. Elle expose régulièrement, comme lors de sa récente exposition Mouvements II à Paris en 2024, où elle explore des thèmes comme l’impermanence et la résistance au changement.
En parallèle, Tel Aviv est une source majeure d’inspiration pour son œuvre. Ses clichés capturent la vie quotidienne et l’énergie de cette ville, souvent reconnaissables pour ceux qui la connaissent bien. Ohayon a commencé sa carrière artistique après des études en commerce et en arts dramatiques, tombant amoureuse de la photographie en 2016 après une rencontre marquante avec un appareil argentique Canon AE-1.
C’est à l’occasion de son exposition « Mouvements II » à l’Hotel des Académies et des Arts à Paris, que la jeune femme s’est prêtée au jeu de notre QUESTIONNAIRE.
Website : https://www.sarahohayon.com
Instagram : saerahohayon
Votre premier déclic photographique ?
Sarah Ohayon : La découverte d’un Canon AE1. Je trouve cette grande boîte en cuir noire d’un autre temps. En l’ouvrant, l’intérieur est entièrement recouvert de velours rouge foncé, et la cet appareil avec sa batterie d’optiques. Comme s’il n’avait jamais été touché. Comme si j’étais la première. J’ai été tellement fascinée par l’objet que je ne l’ai plus quitté.
L’homme ou la femme d’image qui vous inspire ?
S.O. : Helen Levitt, JR.
L’image que vous auriez aimé réaliser ?
S.O. : Les vendeurs du marché aux fleurs flottant de Steve McCurry, pour vivre l’expérience.
Celle qui vous a le plus ému ?
S.O. : La couleur jaune des images de Harry Gruyaert.
Celle qui vous a mis en colère ?
S.O. : Celle que j’ai pensé prendre au Japon mais dont la localisation de la pellicule reste à aujourd’hui inconnue.
Une image clé de votre panthéon personnel ?
S.O. : Les amoureux à Paris de Robert Doisneau.
Un souvenir photographique de votre enfance ?
S.O. : Vider les cartouches de polaroïd comme on ferait des rafales de photos à l’iphone. Et ces vieilles photos des arrières grands parents découpés sur les bords comme des timbres et qui n’existent qu’en un seul exemplaire.
L’image qui vous obsède ?
S.O. : En ce moment c’est ce champ d’ampoules dans le film Le Prestige, j’ignore pourquoi. Le Prestige c’est un film qui m’a toujours fasciné.
Sans limite de budget, quelle serait l’œuvre que vous rêveriez d’acquérir ?
S.O. : Les mains d’enfant qui tiennent le donut de Martin Parr dans la série « Common Sense ».
Selon vous, quelle est la qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
S.O. : Une capacité à traduire ce qu’on ressent en image, en une fraction de seconde.
Qu’est-ce qu’une bonne image ?
S.O. : Une image qui touche, de plein de manières différentes. Elle peut émouvoir, déranger, faire rire, faire voyager, intriguer, fasciner ou juste laisser un sentiment indéfini mais qui prend aux tripes.
Le secret de l’image parfaite, s’il existe ?
S.O. : Il y en a plein, le but c’est de faire exactement l’inverse.
La personne que vous aimeriez photographier ?
S.O. : Les plongeuses d’Ama au Japon, c’est une communauté de femmes qui perpétuent une tradition ancestrale de récolte des algues et huitres perlières. Elles ont un savoir faire et des pratiques fascinantes, comme dans beaucoup de pratiques artisanales au Japon.
Un livre de photos indispensable ?
S.O. : Je viens de faire dédicacer le livre United Kingdom de Martin Parr par lui-même alors je dirais celui-ci. Son conseil « get closer and take lots of pictures, can you do that ? », j’ai dit « yes of course ».
L’appareil photo de votre enfance ?
S.O. : Kodak jetable avec la housse en carton et des traces de chocolat fondu.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
S.O. : Canon AE1 avec un 50mm.
Votre drogue préférée ?
S.O. : Regarder la mer ou les gens.
Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
S.O. : Partir dans la rue avec mon appareil et rien d’autre ou m’asseoir à une terrasse de café avec mon Moleskine rouge.
Quelle est votre relation personnelle à l’image ?
S.O. : C’est comme une relation familiale, elle perdure malgré tout ! J’ai toujours aimé l’image que ce soit la télé, le cinéma, les vidéos, la pub, la photo et crois que j’ai trouvé dans la photo une forme d’équilibre, de simplicité et de plaisir. Pour moi, ça englobe tout ce que j’aime, être dans le présent, ne pas chercher ce qui est beau mais plutôt ce qui émeut, capturer un instant et accepter que si c’était trop tard c’est que c’était pas « meant to be », avoir la surprise de la découverte au moment du développement, un autre.
Votre plus grande qualité ?
S.O. : La curiosité. Elle m’amène toujours dans des aventures inattendues, des rencontres insolites.
Votre dernière folie ?
S.O. : Des billets d’avion.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
S.O. : Un des portraits de femme d’Ellen Von Unwerth.
Et si vous n’aviez pas choisi la photographie ?
S.O. : J’ai fait des études de commerce à HEC et fait plusieurs projets entrepreneuriaux donc ça j’imagine.
Votre plus grande extravagance professionnelle ?
S.O. : Toujours en faire trop quand je prépare une exposition et finir par tirer le double d’images prévues à l’origine.
Quelles différences entre photographie et photographie d’art ?
S.O. : Pour moi la photographie d’art fait réfléchir, touche d’une certaine manière et ramène à quelque chose d’universel. La photographie tout court c’est un medium d’expression.
La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
S.O. : Je rêve de découvrir l’Inde. C’est un pays où j’ai voulu aller de nombreuses fois mais sans avoir toutes les conditions réunies. Quand je vais quelque part, j’aime pouvoir passer du temps avec des locaux, des personnes qui m’expliquent la culture et les traditions. Je rêve de faire un voyage authentique et sans le filtre touriste alors j’attendrai la bonne opportunité !
L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
S.O. : NEW YORK OR NOWHERE.
Votre plus grand regret ?
S.O. : Pas de regrets, que des expériences.
En termes de réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, Tik Tok ou Twitter et pourquoi ?
S.O. : Pas assez boomer pour Facebook, trop boomer pour Tiktok, Twitter j’ai jamais compris donc plutôt Instagram. Ce que j’aime c’est le mélange des formats, de pouvoir aussi bien partager de la photo que de la vidéo brute, sous forme de petites scènes de vie.
Couleur ou N&B ?
S.O. : COULEUR.
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
S.O. : Lumière du jour sauf les néons, j’adore les néons.
Quelle est, selon vous, la ville la plus photogénique ?
S.O. : Los Angeles mais c’est pas ce que je préfère. C’est comme avec les gens, souvent ils sont plus intéressants quand il sont pas spécialement photogéniques. Sinon New York et Tokyo.
Si Dieu existe, lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
S.O. : Ni l’un ni l’autre, je le photographierai discrètement en train de se brosser les dents ou d’observer les humains.
Si je pouvais organiser votre dîner idéal, qui serait à table ?
S.O. : Woody Allen, Joel Meyerowitz et Helen Levitt et Annie.
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
S.O. : Les photos de Diane Arbus étrange mais beau.
Quelle est la dernier image que vous avez prise ?
S.O. : Une femme athlétique d’un certain age en bikini qui donne à manger à des pigeons sur la promenade de la plage, les pigeons sont en folie.
Si vous deviez tout recommencer ?
S.O. : Re-demandez moi dans 20 ans.
Le mot de la fin ?
S.O. : J’adorerais travailler avec une ville pour retranscrire l’atmosphère, le ressenti et comment les gens y vivent, a bon entendeur.