Olivier Pojzman : L’art de capturer l’éphémère
Bien plus qu’un photographe, Olivier Pojzman est un sculpteur de lumière, un architecte du paysage, un explorateur du détail. Français d’origine, installé à Los Angeles, il a su imposer sa vision unique à travers une photographie qui oscille entre réalisme et onirisme. Fondateur du studio IrisWork en 2005, il s’illustre aussi bien dans la photographie commerciale que dans une approche artistique plus personnelle, où il capture la beauté brute et fugace du monde qui l’entoure.
Son travail artistique est une célébration de la nature et de l’urbanisme, un jeu d’équilibre entre textures, contrastes et lumières. Ses compositions aériennes et ses paysages à la géométrie presque abstraite traduisent une quête de perfection où chaque image raconte une histoire singulière. Il sublime la Californie avec un regard à la fois cinématographique et pictural, révélant l’âme des lieux à travers des perspectives saisissantes.
Ses œuvres ont été exposées dans des galeries à travers le monde et font partie de collections prestigieuses, notamment à la Résidence de France à Los Angeles. Inspiré par l’énergie de la nature et l’esthétique architecturale, il joue avec l’espace et le mouvement pour composer des images qui transcendent le simple instant capturé. Pour lui, la photographie est une manière de figer l’éphémère tout en y insufflant une intensité intemporelle.
Instagram : @olivierpojzman @iriswork
Votre premier déclic photographique ?
Olivier Pojzman : Il remonte à mon enfance. Je me souviens avoir emprunté l’appareil photo de mon père et l’avoir porté autour du cou lors de mes balades. J’ai commencé à prendre mes premiers clichés sans vraiment savoir ce que je faisais. J’attendais toujours le bon moment pour déclencher… mais bien souvent, je ratais la photo, car l’instant passait trop vite et je n’avais pas encore la technique nécessaire.
L’homme ou la femme d’image qui a pu vous inspirer ?
O.P. : Sans hésiter, Willy Rizzo, un photographe emblématique de Paris Match.
Il a été le premier photographe du magazine en 1947 et a consacré une grande partie de sa carrière à immortaliser des célébrités aux quatre coins du monde. J’ai eu la chance d’être son assistant freelance pendant une dizaine d’années. Il a été mon mentor, une source d’inspiration inestimable, et surtout, une très belle personne.
L’image que vous aimeriez réaliser si l’occasion se présentait ?
O.P. : C’est peut-être Le Baiser de l’Hôtel de Ville de Robert Doisneau, ou encore le célèbre portrait de la jeune fille afghane de Steve McCurry. J’admire aussi les magnifiques paysages en noir et blanc de Don McCullin ou Ansel Adams. Ce sont des images qui m’inspirent. Mais si nous parlons d’une image qui n’existerait pas encore ? Je n’ai pas vraiment d’idée précise à l’instant où nous nous parlons.
Celle qui vous a le plus émue ?
O.P. : Celle qui me vient en tête, même si elle est très triste, c’est la célèbre photo de Nick Ut pendant la guerre du Vietnam : la petite fille qui court au milieu de la route après un bombardement au napalm. Et puis, une autre image que j’aime beaucoup, c’est un portrait pris pendant la Grande Dépression aux États-Unis : une femme migrante, en noir et blanc, avec un cadrage serré, tenant ses enfants dans ses bras. Cette photo, prise par Dorothea Lange, est incroyablement forte et symbolique.
Celle qui vous a mis en colère ?
O.P. : Récemment, c’est celle d’Elon Musk avec le bras tendu. Au début, je ne savais pas trop quoi en penser… On peut toujours extrapoler sur une image, peut-être que ce n’était pas intentionnel, mais le geste reste assez tendancieux.
Une image clé de votre panthéon personnel ?
O.P. : Ce serait la toute première que j’ai réalisée en format panoramique. C’est la première où j’ai utilisé ma technique, en assemblant plusieurs images bout à bout. C’était une photo de Venice Beach, et c’est elle qui a véritablement lancé mon travail de photographies panoramiques.
Un souvenir photographique de votre enfance ?
O.P. : Je pense à une image de ma mère en vacances, vêtue à la mode des années 70. Elle portait souvent des combinaisons en jersey, avec des pattes d’éléphant. Ce genre d’image reste gravé dans ma mémoire.
Une image qui vous obsède ?
O.P. : Le ciel. Les nuages. Dans mes photos, il faut souvent qu’il y ait un ciel contrasté, dramatique. Je n’aime pas forcément les cieux tout bleus.
Sans limite de budget, quelle serait l’œuvre que vous rêveriez d’acquérir ?
O.P. : Sans doute une toile de Picasso.
Selon vous, quelle est la qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
O.P. : Je dirais que c’est la patience et puis… la psychologie.
Le secret de l’image parfaite, s’il existe ?
O.P. : C’est de savoir capter l’instant, au millième de seconde. Être là quand quelque chose de beau, d’intéressant ou de triste se produit.
La personne que vous aimeriez photographier ?
O.P. : Je ne sais pas quoi répondre. Je vais dire ma mère, comme elle a 92 ans…
Et, le ou la photographe par qui vous aimeriez ou auriez aimé vous faire « tirer le portrait » ?
O.P. : Richard Avedon. Oui, ça m’aurait plu. Cela aurait sans doute donné un beau portrait, j’imagine.
Un livre de photos indispensable ?
O.P. : Les Américains de Jack Kerouac et Robert Frank. C’est un ouvrage en noir et blanc qui capture l’essence de l’Amérique dans les années 50.
L’appareil photo de votre enfance ?
O.P. : Dans mes souvenirs il s’agissait d’un vieux Canon. Le Canon F1, me semble-il.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
O.P. : Toujours Canon, mais en numérique, bien sûr. Et un Hasselblad également.
Votre drogue préférée ?
O.P. : Le whisky.
Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
O.P. : Être sur mon bateau, au quotidien. C’est très agréable.
Quelle est votre relation personnelle à l’image ?
O.P. : C’est avant tout un moment de méditation et d’introspection. Que ce soit lorsque je la prends, lorsque je la retravaille sur l’ordinateur, ou même lorsque je la regarde. C’est un instant où je me plonge en moi-même.
Que voyez-vous lorsque vous apercevez votre reflet dans un miroir ?
O.P. : Aujourd’hui, je vois les années défiler, et parfois, je vois mon père ou ma mère. Mais surtout, ce qui me frappe, c’est la rapidité avec laquelle le temps passe. J’ai l’impression d’avoir du temps, mais en même temps, je n’arrive pas pleinement à en prendre conscience.
Votre plus grande qualité ?
O.P. : Je dirais la tolérance.
Votre dernière folie ?
O.P. : C’est de vouloir passer plus de temps en Europe. Je ne sais pas si c’est vraiment une folie.
Quelle différence il y a-t-il entre photographie et photographie d’art ?
O.P. : J’ai deux parcours assez différents.
D’un côté, j’ai beaucoup travaillé ce que j’appellerais « la photographie commerciale » pour des agences de publicité ou des magazines. J’ai également eu l’opportunité de photographier trois présidents africains, car j’ai passé beaucoup de temps en Afrique. La photographie commerciale, c’est une photo éphémère. Aujourd’hui, encore plus qu’avant, les images sont rapidement consommées. Avec Instagram, par exemple, elles sont vite vues mais également vite oubliées. À l’inverse, la photographie d’art perdure, c’est une oeuvre que l’on choisit d’afficher chez soi. Elle résonne différemment en fonction de chaque regard et de l’émotion que l’image suscite.
L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
O.P. : Une fois de plus, le bateau, l’océan.nJ’ai besoin d’aller dans des endroits sereins, avec de la lumière, du calme, et puis de l’eau.
Votre plus grand regret ?
O.P. : Probablement de ne pas avoir appris la musique étant enfant. J’ai appris le piano sur le tard, et j’adore ça. C’est un véritable plaisir. Alors peut-être aurait-je pu devenir musicien si je m’y étais mis plus jeune.
Coté réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, TikTok ?
O.P. : Je préfère Instagram. Je suis aussi sur Facebook, mais c’est vraiment Instagram que j’utilise, non pas pour partager des choses personnelles, mais pour développer et montrer mon travail de photographe.
Plutôt couleur ou noir et blanc ?
O.P. : Noir et blanc, même si en réalité c’est plutôt la couleur qui guide mon travail. Mais, je n’ai pas encore dit mon dernier mot, peut-être qu’un jour je m’y mettrai.
Lumière du jour ou lumière studio ?
O.P. : Je préfère la lumière naturelle, la lumière du jour ou la lumière ambiante. Je privilégie la lumière naturelle, même pour les portraits. Bien sûr, il peut être nécessaire d’ajouter des réflecteurs, mais l’essentiel pour moi reste de travailler avec la lumière ambiante.
Quelle est, selon vous, la ville la plus photogénique ?
O.P. : C’est une bonne question. Los Angeles est très photogénique, ou même l’Amérique en général, même si bien sure j’ai d’abord pensé à Paris qui est une ville très photogénique et romantique. Néanmoins, mon inspiration vient davantage de villes comme Los Angeles.
Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous ou est-ce que vous opteriez plutôt pour un selfie avec lui ?
O.P. : Je ferais un selfie, je pense. Pour m’assurer qu’il existe vraiment, pouvoir le toucher, ou même mettre ma main autour de son cou.
Si je pouvais organiser votre dîner idéal, qui serait à table ?
O.P. : Probablement les amis que j’ai perdus.
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
O.P. : L’état actuel du monde n’est hélas pas vraiment fantastique. Je dirais qu’il ressemble un peu à l’image des incendies que nous avons eu en Californie. Ce n’est donc pas une image précise, mais plutôt l’idée de la destruction. Celle de centaines de maisons, et de familles brisées.
Si vous deviez tout recommencer, votre parcours serait-il le même ?
O.P. : Je ne sais pas. Dans l’ensemble, je suis plutôt satisfait. Bien sûr, j’aurais fait certaines choses différemment. Mais, en y réfléchissant, je vais dire oui, parce qu’en général, ça va.
Un mot de la fin ?
O.P. : Je dirais, pourvu que la dernière longue pause dure longtemps.