Jean-Jacques Naudet : Une vie en images
Avec « Le Questionnaire », j’ai souhaité ouvrir une fenêtre sur l’univers personnel de chacun des photographes ou amateurs de belles images ayant accepté de se prêter au jeu. Mon souhait : immortaliser l’essence même de la photographie contemporaine en offrant un aperçu unique de l’intimité des artistes, de leurs inspirations et de leur vision du monde à travers des questions à la fois intimes et professionnelles. Aussi, pour célébrer la parution de mon 200e Questionnaire, j’ai choisi de donner la parole à une figure incontournable du monde de la Photographie : Jean-Jacques Naudet, notre fondateur et directeur de la publication, qui a consacré sa carrière à explorer, décrypter et promouvoir la Photographie sous toutes ses formes.
Après PHOTO, Paris Match, American PHOTO, l’aventure de ce qui est aujourd’hui L’Oeil de la Photographie a commencé en 2010, il continue à capter l’essence des tendances contemporaines tout en offrant une plateforme unique aux photographes de tous horizons. La capacité de son oeil à déceler les talents avant même qu’ils ne soient reconnus par le grand public m’ont inspiré. Grâce à lui et à Gilles Decamps notre rédacteur en chef, j’ai pu m’immerger dans cet univers riche, où chaque exposition, concours ou rétrospective est une opportunité d’apprentissage. Jean-Jacques est bien plus qu’un observateur passionné de la Photographie, il est un passeur de culture, qui m’a permis d’apporter ma propre contribution à cet espace créatif, tout en élargissant mon regard sur l’importance de la Photographie dans notre société moderne, qu’elle documente des événements marquants ou qu’elle serve d’expression artistique.
C’est avec son humour teinté d’ironie, de sincérité et de malice qu’il se prête à l’exercice.
Votre premier déclic photographique ?
Jean-Jacques Naudet : La première exposition de Jeanloup Sieff à la fin des années 60.
L’homme ou la femme d’image qui vous a inspiré ou qui vous inspire peut-être toujours ?
JJN : Ils sont deux : Roger Thérond et Romeo Martinez.
L’image que vous auriez aimé prendre ?
JJN : En réalité, je n’ai jamais fait de photos. Je suis nul comme photographe. Même les photos de famille, je les ratais.
Celle qui vous a le plus ému ?
JJN : The walk to Paradise Garden, 1946 de W.Eugene Smith.
The walk to Paradise Garden, 1946. (Photo by W. Eugene Smith/The LIFE Picture Collection © Meredith Corporation)
Et celle qui vous a mis en colère ?
JJN : Les images de Lee Miller sur les camps de concentration.
Quelle photo a selon vous changé le monde ?
JJN : Malheureusement aucune.
Et quelle photo a changé votre monde ?
JJN : Heureusement aucune.
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans une image ?
JJN : Le regard.
Quelle est la dernière photo que vous ayez prise ?
JJN : Une photo de mes fils, Jules et Gédéon, il y a 40 ans et elle est ratée.
Une image clé dans votre panthéon personnel ?
JJN : N’importe laquelle des enfants avec leur mère.
Un souvenir photographique de votre enfance ?
JJN : Une photo de mes parents heureux à la libération de Paris.
Mon père mourra peu après et je l’ai fait mettre récemment sur leur tombe.
Selon vous, quelle est la qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
JJN : La passion.
Qu’est-ce qui fait une bonne photo ?
JJN : Qu’elle touche celui qui la contemple.
La personne que vous aimeriez photographier ?
JJN : J’aurais adoré faire des photos de nu de Shiva, ma femme, à la façon de René Groebli.
Un livre photo indispensable ?
JJN : Guy Bourdin for Charles Jourdan paru récemment chez Rizzoli.
Votre drogue favorite ?
JJN : Ce fut longtemps Celtique et Gitanes, aujourd’hui c’est Bourgogne rouge ou Côtes du Roussillon.
Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
JJN : Je n’en éprouve pas le besoin à vrai dire. Mais la musique peut parfois avoir cette vertu, et dans ce cas j’écoute Otis Redding, Nusrat Fateh Ali Kahn, Der Abscheid, le dernier morceau du Chant de la terre de Mahler interprété par Kathleen Ferrier, ou encore Oum Kalthoum.
Quelle est votre relation à l’image ?
JJN : Passionnelle.
Par qui aimeriez-vous être photographié(e) ?
JJN : J’ai horreur d’être photographié, je n’aime pas mon physique.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
JJN : Je n’utilise que des cartes.
Votre plus grande extravagance professionnelle ?
JJN : M’être lancé dans l’aventure de « L’Œil de la Photographie » sans aucune connaissance financière et technique.
J’en profite pour remercier Alex Kummerman, Maya Hoffmann, Ericka Weidmann et Michel Birnbaum. Et merci surtout à l’équipe actuelle : Lucile, Sylvie, Gilles, Arthur, Laurent et Thierry. C’est grâce à eux que l’Œil est devenu ce qu’il est aujourd’hui : le numéro un mondial des magazines photos en ligne.
Quelle question pourrait vous déstabiliser ?
JJN : Vous ne faites pas votre âge.
Quelle est la dernière chose que vous avez faite pour la première fois ?
JJN : Du vélo avec Shiva dans une salle de sport d’Aix en Provence ou les habitués nous regardèrent pendant 3 mois d’abord comme des zombies puis comme des dinosaures sympathiques.
La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
JJN : La France, après avoir vécu 25 ans aux États-Unis.
Le lieu dont vous ne vous lassez jamais ?
JJN : Bagatelle.
Votre plus grand regret ?
JJN : Tous les photographes que je n’ai pas publiés.
En termes de réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, Twitter et pourquoi ?
JJN : Aucun, je les fuis comme la peste.
Couleur ou N&B ?
JJN : Je m’en moque.
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
JJN : De même.
Quelle ville vous semble la plus photogénique ?
JJN : Paris.
Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous ou préféreriez-vous un selfie avec lui ?
JJN : Aucun des deux. Mais, cela me fait penser à la formidable réponse de François Mitterrand au questionnaire de Proust : « Maintenant tu sais ».
Si je pouvais organiser votre dîner idéal, qui serait à table ?
JJN : Il a eu lieu 4 ou 5 fois au début des années 80. Il réunissait chez Roméo et Jacqueline Martinez : Roger Thérond, Sam Wagstaff , Philippe Garner et moi-même. C’était magique.
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
JJN : Toute image réalisée avec l’AI.
Si vous deviez tout recommencer ?
JJN : Je serais peut-être paysan avec Shiva.
Que souhaitez-vous que l’on dise de vous ?
JJN : Que j’ai parfois été grâce à PHOTO au début, puis à Match et American PHOTO par la suite, et à L’Œil de la Photographie maintenant, utile à quelques photographes et à la photographie.
La chose essentielle que l’on doit savoir sur vous ?
JJN : Surtout rien.
Un dernier mot ?
JJN : Au revoir.