MAYA MERCER : L’Emotion à fleur de peau.
Photographe et vidéaste franco-américaine, Maya Mercer est la fille du dramaturge britannique David Mercer. Elle passe une grande partie de son enfance et de son adolescence entre Paris, Los Angeles et Londres. Artiste autodidacte, elle se qualifie elle-même de « photocinéaste », expérimente « la vie comme une scène de théâtre » et aime raconter des histoires.
Elle vit et travaille aujourd’hui aux Etats-Unis où elle a passé un long moment dans le nord de la Californie. Connu pour être l’état le plus riche d’ Amérique, elle y a paradoxalement réalisé une série très touchante et troublante à la fois. Ces photos de jeunes filles prises dans des lieux sordides sont inspirées par les conditions sociales du far west rural américan. Le résultat est étonnant de sensibilité et les sujets semblent hors du temps alors qu’ils reflètent angoisses et une certaine décadence.
Loin d’être indulgent, son travail militant est avant tout une mise en garde vis à vis du monde dans lequel nous vivons et vis à vis de nous même également. Elle met l’accent sur la culture mise à mal, la pauvreté grandissante un peu partout, les désordres psychiques qui touchent de plus en plus de monde, des violences intolérables faites aux femmes, et sur la génération Z ou encore “génération Covid” ou “digital natives”bien trop oubliée en ces temps de crise … et nous oblige à réfléchir où se trouve notre bonheur dans tout cela !
Instagram : mayamercer.studio
Votre premier clic photographique ?
Maya Mercer : J’ai vu « Les yeux de Laura Mars » à 12 ans, et dès lors, j’ai été obsédée par l’idée d’avoir un appareil photo pour devenir Laura Mars et voir des choses à travers l’objectif que les autres ne verraient pas !
L’homme d’images qui vous inspire ?
Maya Mercer : William Eggleston
L’image que vous auriez aimé réaliser ?
Maya Mercer : « Lago » de Julia Margaret Cameron, juste pour l’excitation d’être une femme en 1867 prenant le portrait d’un homme du côté obscur avec le processus de collodion humide. La création d’une impression au collodion était un processus extrêmement difficile et dangereux qui nécessitait de travailler avec des matériaux combustibles dans une obscurité presque totale. Le portrait est très moderne. Une femme photographe dure à cuire à l’époque victorienne !
L’œuvre qui vous a le plus ému ?
Maya Mercer : Une parmi tant d’autres : « Feet in restraints, Ward 81 », réalisé à l’Oregon State Hospital, Salem en 1976 par Mary Ellen Mark. C’est bouleversant.
Et celle qui vous a mise en colère ?
Maya Mercer : « Child Labor » de Lewis Hine. Le sujet évidemment me met en colère, en revanche ses photos sont de toute beauté. Ses images dénonce l’exploitation des enfants aujourd’hui. Qu’il s’agisse des jeunes travailleurs agricoles migrants qui souffrent non loin de chez nous, des millions d’enfants qui travaillent dans les champs de coton asiatiques ou encore dans les plantations de tabac et de cacao africaines, la lutte continue…
Une image clé dans votre panthéon personnel ?
Maya Mercer : « Untitled film still # 93 » de Cindy Sherman réalisée en 1981 dans le cadre de sa série « Centerfolds ». Quelle que soit sa signification pour moi, c’est un sentiment que je connais trop bien et que je ne veux pas oublier.
La qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Maya Mercer : Ne jamais déroger de ses objectifs malgré les obstacles !
Le secret de l’image parfaite, s’elle existe ?
Maya Mercer : Un moment d’égarement.
La personne que vous rêveriez de photographier ?
Maya Mercer : La jeune Cherokee de la maison d’à côté.
Un livre de photos indispensable ?
Maya Mercer : « Raised by wolves » de Jim Goldberg
L’appareil photo de vos débuts ?
Maya Mercer : Un Polaroid One Step rainbow SX-70.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Maya Mercer : Je travaille essentiellement en analogique et utilise plusieurs appareils dont le plus ancien date de 1953 et le plus récent de 1980.
Votre drogue préférée ?
Maya Mercer : Le Blues.
Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
Maya Mercer : Nager dans un ruisseau en pleine nature.
Votre plus grande qualité ?
Maya Mercer : L’instinct.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Maya Mercer : Le portrait d’une jeune fille en transition de ma série Cult « American Hunger ».
© MAYA MERCER – COURTESY THE ARTIST
Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Maya Mercer : Tout ce qui se fait entre 9H et 17H.
Votre plus grande extravagance en tant que photographe ?
Maya Mercer : Porter un fusil de chasse sur les tournages pour me protéger.
Les valeurs que vous souhaitez partager à travers vos images ?
Maya Mercer : Ce n’est pas à moi de le dire.
La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Maya Mercer : Celle des extraterrestres.
L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Maya Mercer : Là où je vis actuellement, dans les Appalaches, en Caroline du Nord.
Votre plus grand regret ?
Maya Mercer : De ne pas avoir appris le Kung Fu lorsque j’étais enfant. Cela aurait pu me sauver la mise dans plusieurs situations très difficiles. Je pense que chaque jeune fille devrait faire du Kung Fu dès l’âge de 7 ans.
Instagram, Tik Tok ou Snapchat ?
Maya Mercer : Instagram.
Couleur ou N&B ?
Maya Mercer : Les deux.
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Maya Mercer : Lumière du jour, « golden hour ».
La ville la plus photogénique selon vous ?
Maya Mercer : Je ne peux pas vous le dire, sinon tout le monde s’y rendrait.
Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Maya Mercer : Il a, j’en suis convaincue, des choses plus importantes à gérer, ne pensez vous pas ?
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Maya Mercer : Une photographie de ma série « Chroniques de martyrs » intitulée STIGMA.
© MAYA MERCER – COURTESY THE ARTIST
Que manque-t-il dans le monde d’aujourd’hui ?
Maya Mercer : La vérité.
Et si tout était à refaire ?
Maya Mercer : Chaque fois que vous essayez de refaire quelque chose, cela finit par être pire… regardez Frankenstein !