Kathleen Alisch : L’écho du vide.
Kathleen Alisch est une photographe et artiste visuelle dont l’univers navigue aux confins de la réalité perçue, de la conscience et des liens subtils entre nature et humanité. Avec une approche profondément introspective, elle s’attarde sur la beauté de l’imperfection et explore les dimensions invisibles et insaisissables de l’existence.
Guidée par des figures inspirantes telles que Jacques Schumacher, Alisch conjugue intuition, rigueur conceptuelle et résonance émotionnelle dans une démarche artistique qui transcende le visible. Ses projets, imprégnés de réflexions philosophiques et d’interrogations scientifiques, scrutent le vide, la temporalité et des phénomènes cosmiques comme les mystérieux trous blancs. Sa pratique alterne entre l’élégance intemporelle du Linhof Technika et la précision moderne du Sony A7R, traduisant une quête constante de justesse et de profondeur.
Fascinée par le Japon, dont elle puise l’essence spirituelle et esthétique, Alisch tisse des « cartes émotionnelles » où paysages intérieurs et formes naturelles se confondent. Fidèle à une sobriété empreinte de poésie, elle privilégie la richesse du noir et blanc et s’éloigne des réseaux sociaux pour se consacrer à l’intemporel.
Lors d’ART CITY Bologna 2025, Kathleen Alisch dévoilera Atlas of Voids à la L’Artiere Bookshop, une œuvre empreinte de mystère et de réflexion. Ce projet, véritable exploration des marges de la perception, invite le spectateur à pénétrer dans un espace où le visible dialogue avec l’ineffable.
Website : www.kathleenalisch.de
Instagram : @kathleenalisch
News : ART CITY Bologna 2025 du 6 au 16 février à L’Artiere Bookshop, Via Petroni 22A, 40126 Bologna (www.culturabologna.it/)
Votre premier déclic photographique ?
Kathleen Alisch : La première fois que j’ai touché un appareil photo avec l’intention de créer, c’était après avoir abandonné mes études de médecine pour m’inscrire à une université d’art.
L’image masculine ou féminine qui vous a inspirée ?
K.A. : Le photographe Jacques Schumacher, l’être humain le plus ouvert et créatif que je connaisse, est devenu mon mentor et a ouvert ma perception du monde.
L’image que vous auriez aimé prendre ?
K.A. : L’image la plus simple et la plus profonde du passage du temps et la somme de toutes les images. Peut-être serai-je prête pour cela un jour.
Celle qui vous a le plus émue ?
K.A. : Chizu / The Map de Kikuji Kawada, vue à Kyoto.
Et celle qui vous a le plus mise en colère ?
K.A. : Ce n’est pas une photo qui me met en colère.
Quelle photo a changé le monde pour vous ?
K.A. : Ce n’était pas une photo mais un film : Orlando de Sally Potter. Wong Kar-Wai et Andreï Tarkovski ont également eu un grand impact sur moi.
Et laquelle a changé votre monde ?
K.A. : Aucune.
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans une image ?
K.A. : Quand elle vous mène à l’essence des choses.
Quelle est la dernière photo que vous avez créée ?
K.A. : Un champ de terre noire labouré , enveloppé dans un épais brouillard. Je suis toujours attirée par l’idée de marcher dans le brouillard, car il révèle l’espace que nous ne voyons normalement pas.
Une image clé dans votre panthéon personnel ?
K.A. : La beauté de l’imperfection.
Un souvenir photographique de votre enfance ?
K.A. : Les albums de famille remplis d’êtres chers qui sont devenus nos fantômes.
Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour être un bon photographe ?
K.A. : L’obsession. Comme pour tous les arts.
Qu’est-ce qui fait une bonne photo ?
K.A. : Pour moi, la simplicité et de multiples niveaux de possibilités.
La personne que vous aimeriez photographier ?
K.A. : Je suis plus curieuse des paysages intérieurs.
Un livre de photographie indispensable ?
K.A. : Ravens de Masahisa Fukase. Et Sur la photographie de Susan Sontag.
L’appareil photo de votre enfance ?
K.A. : Je n’en avais pas.
Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
K.A. : Un Linhof Technika et un Sony A7R pour mes promenades.
Comment choisissez-vous vos projets ?
K.A. : Je me retrouve souvent à tenter de photographier des questions invisibles, souvent liées à la perception de la réalité et à ses aspects mentaux. Je travaille sur des concepts de reconnaissance de soi, de conscience, de nouvelles découvertes astronomiques, et bien d’autres choses, ce qui me pousse à explorer un sujet insaisissable. Je peux dire que j’étudie le vide depuis de nombreuses années, et je suis encore profondément fascinée par les parties invisibles et cachées de nos vies.
Comment décririez-vous votre processus créatif ?
K.A. : Il commence par un fragment. Je m’accroche à un élément que j’aime, qui attire ensuite d’autres pièces à lui. Mes projets à long terme s’enracinent également dans des recherches approfondies, qui, bien qu’elles ne soient pas toujours visibles dans le résultat final, ont une grande importance. Alors que ce processus se déploie à de nombreux niveaux simultanément, j’utilise la photographie pour créer une carte émotionnelle de mes réflexions sur l’univers.
Un projet à venir qui vous tient à cœur ?
K.A. : Je travaille toujours sur plusieurs choses en même temps, pas dans un ordre logique ou chronologique. En ce moment, j’édite un deuxième chapitre inspiré par le concept de trous blancs, contreparties théoriques des trous noirs, où la matière et l’énergie sont éjectées de l’univers plutôt qu’attirées vers lui, en préparation de mon prochain livre. Je suis également en train d’imprimer de nouvelles photogravures qui recréent l’impression d’une forêt profonde.
Votre drogue favorite ?
K.A. : La réglisse salée.
Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
K.A. : Lire un livre. J’ai toujours été obsédée par les livres. J’adore visiter les bibliothèques dans chaque ville où je me rends, passer des heures dans les librairies et les marchés aux puces.
Quel est votre rapport à l’image ?
K.A. : Très ambivalent.
Par qui aimeriez-vous être photographiée ?
K.A. : Je n’aime pas être photographiée.
Votre dernière folie ?
K.A. : Tenter de dresser une corneille pour une photo.
Une image pour illustrer un nouveau billet de banque (à quoi ressemblerait-elle) ?
K.A. : Quelque chose qui n’existe pas.
Si vous n’aviez pas été photographe, vous auriez été… ?
K.A. : Il y a tellement de possibilités, je pourrais être neurochirurgienne, architecte et transformer des villes entières, ou encore marchande de meubles vintage.
Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
K.A. : Employée dans un service client pour les réclamations.
Votre plus grande extravagance professionnelle ?
K.A. : Aucune extravagance. Juste ce dont l’esprit a besoin.
Quelle question vous déstabilise ?
K.A. : Où est… ?
La dernière chose que vous avez faite pour la première fois ?
K.A. : Une question fascinante. L’an dernier, je me suis immergée pendant plusieurs semaines dans le monde des artistes floraux au Japon, une expérience qui m’a permis de découvrir de nouvelles façons de créer et d’exprimer des émotions à travers la nature. Cette aventure a eu un impact profond, et ses leçons continuent de se révéler en moi.
La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
K.A. : Je suis tellement curieuse de voir plus de notre monde, je ne peux pas en nommer un seul.
L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
K.A. : Le Japon.
Votre plus grand regret ?
K.A. : Ne pas avoir utilisé l’argent d’un prix pour aller travailler à New York.
En termes de réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, TikTok ou Snapchat, et pourquoi ?
K.A. : Je ne me suis jamais beaucoup impliquée dans les réseaux sociaux. Le contenu de plus en plus généré par des machines me donne encore moins envie de les utiliser.
Couleur ou noir et blanc ?
K.A. : Les deux, mais je préfère en réalité le noir et blanc.
Lumière naturelle ou artificielle ?
K.A. : La lumière du jour et celle de la lune.
Quelle ville trouvez-vous la plus photogénique ?
K.A. : Paris, Tokyo.
Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous ou feriez-vous un selfie avec lui ?
K.A. : Ni l’un ni l’autre. Comme dit mon ami japonais : chaque arbre est un dieu.
Si je pouvais organiser votre dîner idéal, qui serait à table ?
K.A. : Je commencerais par organiser avec un grand chef, mais avoir Francis Bacon, Truman Capote, Stephen Hawking, Georgia O’Keeffe et Louise Bourgeois à table serait un vrai bonheur.
L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
K.A. : L’image de la NASA du trou noir.
Selon vous, qu’est-ce qui manque dans le monde d’aujourd’hui ?
K.A. : Une pensée tournée vers l’humanité dans son ensemble, et pas seulement vers l’individu. Nous sommes des êtres très physiques qui doivent se reconnecter à la nature pour trouver un sens à leur existence.
Si vous deviez tout recommencer ?
K.A. : C’est ce qui est maintenant. L’accepter est l’un de mes défis les plus difficiles.
Qu’aimeriez-vous que les gens disent de vous ?
K.A. : J’aimerais ne pas m’en soucier du tout.
La seule chose que nous devrions absolument savoir sur vous ?
K.A. : Cela devrait être répondu par quelqu’un d’autre.
Un dernier mot ?
K.A. : Silence.