« Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, qu’ils crient à Dieu avec force, et qu’ils reviennent tous de leur mauvaise voie et des actes de violence dont leurs mains sont coupables! » (Jonas 3.8).
Il est 22h au village de Mbanza Zambi, dans la province du Bas Congo. Dans le halo gorgé de poussière des phares, une noria de camions et de bus incertains, bourrés jusqu’à la gueule, déversent leurs flots d’hommes et de femmes sanglés dans des tuniques couleur saint sulpicienne. Depuis ce matin, ces fidèles de l’ECUSE affluent pour rendre grâce à Tata Ngonda Wasilwa, leur dieu. Les différentes paroisses de Kinshasa, mais encore celles des provinces voisines mais aussi du Congo Brazzaville, ainsi que d’Angola s’installent dans la cours de l’école, le long des pistes et dans les parcelles. Déjà, les fidèles chantent, tandis que les pasteurs récitent frénétiquement des versets de la bible.
Sous l’acronyme ECUSE (Eglise Chrétienne de l’Union Saint Esprit) se cache un nouveau mouvement mystique congolais, mélange de religion chrétienne et de «négritude ». Sa doctrine, le «Ngondisme », se présente comme la religion des Africains, dans la filiation du prophète Simon Kimbangu et de Jésus. Le mouvement apparait dans les années 80. La légende raconte qu’en 1982 Tata Ngonda est frappé d’une vision céleste dans laquelle «Dieu l’exhorte à sauver le Congo et l’humanité toute entière ».
L’homme quitte alors la capitale et part s’installer à Mbanza Zambi. Inspiré des récits bibliques de Jonas et de l’Apocalypse, il s’habille de jute et enduit son corps de cendres. Il est bientôt imité par des dizaines d’apôtres qui, comme lui, veulent laver leurs péchés et sauver l’humanité en implorant la pitié divine: « Nous pleurons pour que Dieu nous écoute, pour que le bien triomphe du mal… Il faut prier pour être épargné. Dieu frappera là où on ne le respecte pas». Le port du sac est un port de lamentation, explique le doyen des Nkotistes (de Nkoto, sac, en Kikongo): « C’est signe de détresse, de deuil, d’humiliation ».
Leurs journées sont faites de prières toutes les trois heures, d’incantations, et du travail de la terre. Le succès est exponentiel: cinq cents adeptes rallient l’église dès les premiers mois. A la fin des années 90 ; ils sont plus de 2000 à prier Tata Ngonda , le nouveau messie, (( incarnation du Saint Esprit sur la Terre». Mais en janvier 2001, stupeur: l’incarnation spirituelle meurt. Il ne laisse derrière lui aucun héritier direct. La course à la succession fait rage. Pourtant le mouvement survit. Et, après quelques soubresauts, croit à nouveau. Des églises s’ouvrent à Kinshasa et dans tous les districts. Chaque premier dimanche d’octobre, les Ecusiens reviennent en masse célébrer le Matondo (le remerciement, en Kikongo) qui marque le passage à une nouvelle année liturgique. C’est aussi l’occasion pour des centaines de pèlerins vivant à Kinshasa de visiter le mausolée de Tata Ngonda et de se faire bénir par les Nkotistes. Trois jours de ferveur mystique, où se mêlent prières, discours politiques, et prêches enflammés au son de la fanfare et de chants liturgiques.
Le Matondo consommé, les paroissiens et les pèlerins s’en retournent à leur vie de dévot dans la mégapole Kinoise et dans les campagnes, Tata Ngonda et le Saint Esprit dans leurs coeurs. L’année liturgique a commencé à travers les différentes régions. L’année prochaine verra sans doute encore de nouveaux pèlerins en quête d’absolution divine déferler dans le Bas-Congo. Le mouvement est en marche.
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