Quelle(s) photographie(s) demain à Charenton ?
À côté du Fort de Saint Cyr, le site de Charenton accueille la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine. Un chantier en devenir que coordonne Manuel Bamberger, en tant que directeur du projet, et dont la réalisation est conduite par l’architecte Pierre-Louis Faloci. Un projet qui devrait aboutir à une ouverture au cours du premier semestre 2014. « Il placera ce site au cœur d’un double enjeu : d’une part celui du patrimoine monumental, fondement premier de ce lieu avec les fonds de la Médiathèque et l’arrivée d’Icomos, cette association qui instruit pour l’Unesco les sites éligibles au Patrimoine Mondial; d’autre part, celui de la photographie car il rendra plus visibles et accessibles les formidables richesses aujourd’hui au Fort de Saint Cyr, et accueillera les bureaux et les fonds de la Donation Jacques-Henri Lartigue.
Une question de fond demeure néanmoins posée, au delà de ce lieu, par les acteurs de la photographie : la définition de la politique en matière d’accueil de fonds photographiques, dès lors que la Médiathèque ne saurait en être que l’un des éléments.
Certes, depuis la mise en place, par le biais de la commission des Monuments historiques, animée par Prosper Mérimée, de la première commande photographique passée par le service des Beaux-Arts du ministère de l’Intérieur à cinq photographes (la « Mission héliographique 1851″), l’État se retrouve en position de protéger des fonds photographiques. C’est ainsi qu’au delà des monuments historiques, les fonds que détient la Médiathèque se sont accrus au cours de l’histoire pour former un ensemble riche et diversifié, au fil de commandes (les arrières de la guerre en 1917), d’achats d’autres fonds comme le reste du fonds Nadar en 1950 (la première négociation avec l’État avait été interrompue en 1939 du fait de la guerre, et de nombreuses pièces parties aux États-Unis), ou le fonds Harcourt, (auquel il manque malheureusement des documents qui auraient permis de reconstituer les activités du studio pendant la période de l’Occupation). D’autres fonds d’auteurs (Seeberger, Le Boyer) ou autres (Touring Club de France) sont venus enrichir ce panel.
A une époque plus récente, l’association « Patrimoine Photographique » a recueilli une quinzaine de donations venant de fonds d’auteurs, rassemblant des négatifs, des tirages et des documents personnels permettant de retracer les activités de ces auteurs. Mais, contestée pour sa politique de conservation, et sa forme para administrative dénoncée par la Cour des comptes, elle est dissoute en 2004 et ses fonds transférés au Fort de Saint Cyr. Sous l’impulsion des ayants-droits, Françoise Denoyelle crée alors l’Adidaepp (Association de Défense des Intérêts des Donateurs et Ayants-Droits de l’ex Patrimoine Photographique), qui remet en cause la validité des contrats mal rédigés et le transfert au Fort de Saint Cyr qui, selon l’association, signait plutôt la seconde mort des photographes contrairement à la valorisation clairement stipulée. La Médiathèque, pour autant, n’a pas alors de solution de rechange pour rendre les fonds plus accessibles.
Mais en 2008, la donne change car la Médiathèque doit quitter son site parisien consacré au patrimoine monumental, vendu par France Domaine; le nouveau site prévu à Charenton est suffisamment vaste pour s’atteler à une nouvelle ambition, en phase avec les attentes manifestées dans tous les domaines, patrimoine monumental comme photographique. Cette perspective va ouvrir un champ de discussion, et de nouvelles perspectives, avec les ayants droits.
« C’est paradoxalement en effet ce contexte difficile qui va amener un renouveau de la Médiathèque – souligne Manuel Bamberger- pour le patrimoine monumental comme photographique, grâce à ce nouveau site et à sa complémentarité repensée avec celui de Saint Cyr ». Dans le domaine de la photographie, toute une série de mesures sont immédiatement prises pour améliorer la conservation des fonds au Fort de Saint Cyr, et engager le même niveau d’excellence demain à Charenton, où il est convenu que les fonds des donations seront transférés, une fois le chantier achevé ; les effectifs sont accrus pour accélérer les inventaires et assurer tant la circulation des fonds que leur diffusion commerciale via la RMN/Grand Palais. Des mesures qui ont en effet fait progresser leur connaissance et leur rentabilité et qui seront encore renforcées avec l’ouverture du site de Charenton ».
Côté surfaces, on trouvera à Charenton (Icomos et Lartigue compris), un bâtiment de 9500 m², dont près de 7000 m² de surfaces utiles qui, outre les espaces dédiés à la conservation, intègreront un vaste hall d’accueil, un amphithéâtre de 250 places, des salles de réunion et une grande salle de lecture. Un travail mené en lien avec les Archives de France pour en garantir, comme à Saint Cyr, les normes de conservation et de climatisation. Espaces et départements sont bien identifiés. Sur un total d’une vingtaine de kilomètres d’équivalents linéaires, le département de la photographie dispose de deux kilomètres impartis à la conservation des photographies et des documents ; à quoi s’ajoutent les importantes surfaces dévolues à la photographie au Fort de Saint Cyr où demeureront la quasi totalité des négatifs (exceptés ceux des donateurs, s’ils l’exigent comme la possibilité leur en est donnée dans leur contrat). La surface réservée pour la photo à Charenton permet d’y accueillir les tirages et les documents des donations, qui représentent à ce jour 90% des demandes de consultation les concernant.
De plus, la photographie, comme les autres départements, bénéficiera des moyens du site en matière de réunions, colloques mais aussi de consultation, commune ou spécifique à la photographie, ce qui facilitera recherche ou préparation d’ouvrages ou d’expositions. En ce qui concerne le fonctionnement, il n’y pas de budget affecté à tel ou tel département, les priorités d’acquisitions pouvant varier par thématique d’une année à l’autre. Concernant les effectifs, sous la direction de Jean-Daniel Pariset maître des lieux depuis 1995, une cinquantaine d’agents travaillent à la Médiathèque dont une vingtaine au département photo.
L’écrin est là pour valoriser la Médiathèque, où l’on rappelle que « l’on ne valorise bien que ce que l’on connaît bien ». « Conservatoire des techniques anciennes et familier des technologies les plus modernes (pour la photographie: du tirage albumine au versement d’archives numérisées), il devrait apporter une meilleure connaissance des fonds et un meilleur accueil des chercheurs ».
C’est aussi un des rares projets qui, malgré quelques retards, a pu continuer à dérouler son programme sans subir le régime de restrictions susceptibles de le modifier en profondeur ou de façon irréversible.
Au delà, il ne faut pas oublier que la Médiathèque s’inscrit dans un réseau d’institutions , et que c’est en jouant pleinement de leur complémentarité que peuvent être trouvées, au cas par cas, les solutions pour accueillir et préserver les nombreux fonds prestigieux, qui à défaut risqueraient d’être détruits ou dispersés.
Médiathèque de l’architecture et du patrimoine
11 rue du séminaire de Conflans
94220 Charenton le Pont
+33 (0)1 40 15 76 57
[email protected]