René-Jacques, né René Giton, voit le jour à Phnom Penh en 1908. Il passe ses huit premières années dans la colonie française et jouit d’une grande liberté au plus près de la nature cambodgienne. Le retour en France orchestré par sa mère en 1917 est brutal. René-Jacques est peu habitué aux privations, il est soumis au rationnement de la Première Guerre Mondiale, et à la rigueur du collège de Royan. La situation s’améliore avec l’installation de la famille à Paris en 1924. Après son service militaire et des études de droit, René-Jacques qui a alors vingt-deux ans, décide, contre l’avis de sa famille, de devenir photographe.
Les débuts de carrière
Cette volonté se concrétise avec l’achat de son premier Leica, l’installation de son atelier rue Emile-Allez, ses premières publications dans Rails de France et le choix d’un nouveau nom qui sera désormais son patronyme de photographe : René-Jacques. Les débuts sont difficiles, l’achat du matériel de prise de vue et de laboratoire l’oblige à s’endetter et à diversifier ses ta- lents pour investir tous les champs de la photographie professionnelle. Du reportage en passant par le portrait ou la photographie de plateau, René-Jacques sait tout faire. Cette habileté et sa maîtrise sans faille de la technique lui assurent rapidement une solide réputation qui lui permet de publier régulièrement dans les journaux spécialisés français comme Arts et Métiers et dans les revues internationales telles que US Camera Annual, Harper’s Bazaar ou Fortune.
L’aventure Envoûtement de Paris
Lorsque les éditions Grasset lui commandent l’illustration d’Envoûtement de Paris de Francis Carco, qui paraîtra en 1938, René-Jacques se plonge dans le projet qui allie deux de ses grandes passions : la littérature et Paris. Il s’imprègne du texte de Carco, le dépasse et « part en chasse ». Il parcourt de jour comme de nuit Paris et capture le paysage des rues, les quartiers rescapés d’Haussmann, les affiches éphémères, les pavés sous la pluie, créant une vision nouvelle et personnelle de « son » Paris. Pour lui, l’illustration photographique d’un texte se rapproche de l’interprétation musicale et doit permettre de révéler au lecteur « le songe de l’écrivain et la nostalgie des images fugitives ». C’est un im- mense succès d’édition, l’ouvrage sera d’ailleurs réédité dans une nouvelle version en 1988. Ce projet permet à René-Jacques de réinventer Paris, selon la formule de Sougez : « voir pour la première fois des choses auprès desquelles on vivait depuis toujours sans leur accorder d’attention ».
L’engagement pour le droit des photographes
Après la Libération, René-Jacques s’engage pour défendre les droits des photo- graphes qui sont alors à la merci des éditeurs et commanditaires pas toujours scrupuleux. Il poursuivra ce combat toute sa vie en militant pour l ‘instauration d’un tarif minimum de base et d’un code d’usages à l’intention de ceux qui utilisent ou publient des photographies. Il fondera et présidera également plusieurs associations et organisations dont le célèbre « Groupe des XV » avec notamment Marcel Bovis, Pierre-Emmanuel Sougez et Robert Doisneau. Ce combat pour faire valoir les droits de sa profession l’animera toute sa carrière jusqu’à la retraite en 1975. Il faudra attendre le début des années 1980 pour que les expositions reprennent. À partir de 1982, les événements se multiplient en France et à l’étranger, avec notamment une grande rétrospective au Palais de Tokyo en 1991 à l’occasion de la donation de son œuvre à l’Etat.
Pendant plus de cinquante ans, René-Jacques aura été sur tous les fronts, reportage, photographie de plateau, de publicité, défenseur des droits des photo- graphes mais c’est comme technicien surdoué et par sa vision personnelle de Paris qu’il exprimera le mieux sa sensibilité.
Le Paris Secret de René-Jacques
23 mars – 11 mai
Galerie Argentic
43 rue Daubenton
75005 Paris
