Du 17 février au 14 mai 2018, le Musée Unterlinden de Colmar présente une rétrospective consacrée au photographe Adolphe Braun (1812-1877). Braun a été un photographe français parmi les plus influents du 19e siècle. Aujourd’hui, L’Œil de la Photographie vous propose de découvrir son savoir-faire en matière de tirage et de collection.
En raison de la forte demande de reproductions d’art, c’est tout un secteur d’activité qui se développe au début du XIXe siècle pour répondre aux besoins du marché. Les fac-similés, qui exigeaient souvent des mois de travail, s’efforçaient de se rapprocher de l’original par les dimensions, les couleurs ou les matériaux utilisés.
La photographie apparaît rapidement comme un rival sérieux des techniques de reproduction existantes – la lithographie notamment –, mais elle ne permet pas encore de reproduire les originaux en grand nombre. L’avancée majeure d’Adolphe Braun est l’acquisition en 1866 du procédé du tirage au charbon qui vient d’être perfectionné par le chimiste anglais Joseph Swan. Pour la première fois, les photographies restent stables dans le temps, contrairement aux épreuves albuminées qui s’affaiblissaient lentement à la lumière.
Une autre innovation de Braun est l’utilisation de pigments colorés associés au procédé du tirage au charbon : il en emploie jusqu’à huit au début et, plus tard, une vingtaine. Toutefois, les photographies obtenues restent monochromes car la technique ne permet pas de reproduire différentes couleurs dans une même image.
Braun se concentre d’abord sur des œuvres plus ou moins monochromes, tels que les dessins ou les gravures, et réalise des reproductions de dessins au Louvre. En 1867, après un succès à l’Exposition universelle de Paris, les opérateurs de Braun entreprennent des campagnes photographiques dans les principaux musées et collections privées d’Europe. En 1868, l’entreprise française obtient l’autorisation de réaliser la premier couverture photographique intégrale du plafond de la chapelle Sixtine au Vatican. Les fresques de Michel-Ange n’ont jamais été vues d’aussi près. En reconnaissance de ce travail, le pape nomme Braun photographe officiel du Vatican.
L’industrialisation de la production d’images ne conduit pas Braun à s’installer à Paris, où les nouveautés culturelles et artistiques du 19e siècle se retrouvent pourtant dans la photographie. C’est dans le contexte provincial d’une production textile déjà entièrement industrialisée qu’il choisit d’agrandir son entreprise. Il suit en cela la même logique que Louis-Désiré Blanquart-Évrard (1802-1872) qui a implanté son Imprimerie photographique dans l’environnement de l’industrie textile lilloise.
Disposant désormais de reproductions d’œuvres d’art connues ou beaucoup moins connues, les historiens de l’art s’intéressent de plus en plus au nouveau matériel d’étude qui leur est ainsi proposé. En retour, des critiques d’art influents (Paul de Saint-Victor, Henry Jouin, Carl Ruland), des professeurs d’université (Adolfo Venturi) et des directeurs de musées (Wilhelm Bode) vont encourager les campagnes photographiques de Braun. Leur production bouleverse non seulement l’accès à l’art, mais aussi la perception des œuvres. La reproduction restitue de façon remarquable les moindres détails de l’état de conservation de l’œuvre. En mettant à disposition des chercheurs un fonds visuel commun, les éditeurs de photographies donnent à l’histoire de l’art naissante une accélération considérable.
Les éditeurs d’art privés comme Braun, les frères Alinari ou Hanfstaengl se livrent une concurrence acharnée pour accéder les premiers aux grandes collections. En 1877, année de la mort d’Adolphe Braun, l’entreprise détient plus de 33 000 clichés d’œuvres d’art ; en 1883, la maison Braun devient le photographe exclusif pour trente ans du musée du Louvre et des musées nationaux français.
Adolphe Braun, l’évasion photographique
Du 17 février au 14 mai 2018
Musée Unterlinden
1 Rue des Unterlinden
68000 Colmar
France
http://www.musee-unterlinden.com/
Catalogue de l’exposition (versions en français et en allemand)
Adolphe Braun – Une entreprise photographique européenne au 19e siècle
Publié par Editions Schirmer / Mosel
260 pages (version française) 35 €
360 pages (version allemande) 58 €