Nous célébrons cet automne les 25 ans de la chute du mur de Berlin. À cette occasion, The Eyes invite Stéphane Duroy, photographe français, qui ne cesse de retourner à Berlin depuis son premier séjour, en 1979.
En écho à ce regard sur Berlin, nous avons interrogé Daniel Cohn-Bendit, homme politique européen d’origine allemande, sur son souvenir de 1989 et ses impressions sur l’Allemagne un quart de siècle plus tard.
Que faisiez-vous le soir de la chute du mur de Berlin ?
J’étais à Francfort et j’ai suivi la chute du mur en direct à la télévision. Avec l’événement le plus fou ! Le porte-parole du gouvernement de l’Allemagne de l’Est de l’époque, Günter Schabowski, évoquait en direct l’évolution des choses lors d’une conférence de presse… Tout à coup quelqu’un lui passe un mot, et il dit : « Voici ce que je viens d’apprendre : les passages à l’Ouest sont ouverts à partir de tout de suite, immédiatement, à partir de ce soir 20 heures. » Et donc comme ça, en catimini, le mur de Berlin était tombé.
Quels mots vous sont venus à l’esprit ? Quels ont été vos sentiments ?
Le sentiment était incroyable, inimaginable. On était tous complètement soufflés. Si je vous avais dit six mois avant que dans six mois le mur de Berlin tomberait et que l’Allemagne de l’Est s’effondrerait, personne ne m’aurait cru. C’était quelque chose vraiment d’incroyable !
Vingt-cinq ans plus tard, diriez-vous que la République fédérale d’Allemagne (RFA, Allemagne de l’Ouest) a avalé la République démocratique d’Allemagne (RDA, Allemagne de l’Est) ?
La RFA n’a pas avalé la RDA, mais c’est vrai que l’unification s’est faite dans les conditions définies par la RFA. En fait, la RDA s’est complètement effondrée, a implosé, et il reste des nostalgiques de la RDA qui croient que c’était une société peut-être plus juste ; mais en fin de compte c’est le système politique, social et économique de la RFA qui s’est imposé.
Le rêve de 1989 est-il mort ?
Non, je crois que l’unification allemande a amené quand même aux gens qui habitaient dans l’Est une liberté incontestable. Alors, évidemment, la vie dans le capitalisme a aussi des côtés plus durs, c’est vrai que culturellement, beaucoup d’Allemands de l’Est ont dû s’adapter, et ça n’a pas été facile. Mais en définitive le rêve d’une Allemagne unifiée s’est réalisé.
Extrait de l’entretien avec Daniel Cohn-Bendit par René Daligault et Guillaume Lebrun.