Alors que notre époque est marquée par le vaste développement d’Internet et des outils numériques, il semble à contre-courant de sortir un dictionnaire de la photographie sur papier. Il est vrai qu’il suffit de taper un mot-clé sur n’importe quel moteur de recherche pour qu’une information variée – courte ou détaillée – apparaisse en une fraction de seconde. Pourquoi donc publier un tel ouvrage aujourd’hui et que peut-il apporter que Wikipedia ne pourrait pas ?
Il ne s’agit pas d’entrer ici dans une querelle de chapelles. Internet est un outil offrant de nombreuses ressources que l’on soit novice, amateur ou un chercheur avisé. Contrairement à l’information tentaculaire qui nous est proposée par Internet – information qui grandit chaque jour et qui peut être complétée ou reformulée en quelques clics – un dictionnaire sur papier a un contenu limité, destiné à durer. Qu’on se le dise, ce dictionnaire ne s’oppose pas aux multiples ressources offertes par Internet. Ce qui l’en distingue est que la matière réunie ici a fait l’objet d’une sélection scrupuleuse. Internet qui propose des ressources d’information considérables n’offre ni hiérarchie, ni classement, ni priorité face à l’ensemble des choix proposés. Tout est à portée de clics, tout semble à portée de mains. Avec Internet, on assiste au triomphe de la quantité mais là réside aussi l’une de ses principales difficultés : il y a certes beaucoup mais on n’accède jamais à tout. On y trouve une masse d’informations mais très peu hiérarchisée, très mélangée et peu articulée. Publier un dictionnaire de référence fait sens aujourd’hui pour y donner une information structurée face au chaos de données, d’informations, de connaissances que nous offre l’océan Internet.
Ce dictionnaire a été rédigé par un groupe d’experts afin d’aider le lecteur dans sa recherche d’informations. Le contenu ne peut donc prétendre à l’exhaustivité. L’exercice était périlleux car comment englober le vaste champ de la photographie, tant dans son histoire culturelle, technique, artistique que dans son développement international, tout en étant restreint à un nombre donné de notices ? Il est vrai que l’outil numérique a l’avantage de pouvoir dépasser de telles limites, puisque le contenu peut aisément grandir et évoluer de manière continue et à moindres frais. Dans le cas d’une édition papier, il a fallu définir précisément un contenu, réunir une information concise et soigneusement recherchée, et s’y tenir. Si une invention technique extraordinaire nait aujourd’hui, elle ne sera pas mentionnée dans ce dictionnaire, il est vrai. Si un photographe émerge aujourd’hui, son nom sera absent également. Si une nouvelle pratique photographique se développe, elle ne se verra pas non plus citée. Les défis liés à la rédaction d’un tel ouvrage sont nombreux mais à l’ère numérique, il est primordial de penser les différents outils en lien et non en opposition. Le glossaire de termes réunis permet au lecteur de nourrir ses connaissances, de trouver des informations brèves qui peuvent ensuite être complétées par d’autres outils encyclopédiques. La photographie est officiellement née en 1839, son histoire est loin d’être terminée. Il y a certainement plus d’images produites aujourd’hui que durant les 180 années précédentes. Ce dictionnaire marque forcément un point d’arrêt dans cette histoire en mouvement. S’intéresser au passé peut nous aider à appréhender le présent. Parcourir l’histoire de la photographie à travers des noms et des thèmes, soigneusement sélectionnés en fonction de leur importance historique, peut nous aider à faire le tri dans la rivière d’informations qui coule à flot sur Internet.
La photographie est un objet, une pratique, une profession. Elle touche des domaines aussi variés que l’art, la publicité, le journalisme, la mode, la politique, la science, le vernaculaire. Elle s’est développée en lien avec des procédés chimiques, des inventions mécaniques et optiques. Elle est présente dans les albums de famille, les archives, sur les murs des musées, dans les livres, les magazines, les quotidiens, sur les murs des villes et nos écrans multiples. Le monde de la photographie est vaste et s’étend partout dans le monde. Ce dictionnaire a été conçu comme une introduction générale à l’histoire du médium, défini dans une portée internationale et historique. Il aborde les développements les plus importants de la photographie, de la naissance du procédé en 1839 aux innovations actuelles de l’imagerie numérique. Il comprend des informations sur des personnalités de l’histoire de la photographie (à noter la présence de 15% de femmes sur les mille photographes cités !), décrit ses mouvements et genres, et offre un vocabulaire technique recensant les principaux procédés utilisés depuis la naissance du médium. La force de cet ouvrage réside dans le fait qu’il réunit des articles concis et qu’il couvre non seulement l’histoire du médium depuis sa naissance au 19e siècle mais dans un contexte aussi international que possible. Pour ce faire, un large panel de spécialistes a été approché, sur tous les continents, afin d’établir la liste des notices. Une équipe de 80 chercheurs internationaux a été réunie en plus des quelques 150 consultants. Ces chercheurs, historiens de la photographie et spécialistes du médium ont participé à l’écriture des notices. Ils ont apporté leur concours à cette entreprise grâce à leurs compétences et vastes connaissances dans le domaine de la photographie. Leurs précieux commentaires ont permis de définir une sélection de personnalités et de termes primordiaux à traiter. Plus de 1200 notices composent l’ouvrage.
Puisse ce dictionnaire offrir à toute personne intéressée par la photographie une mise en bouche qui éveillera ses papilles et l’incitera, je l’espère, à poursuivre ses lectures. Et qui sait, peut-être même d’éprouver une certain plaisir à « se perdre » en tournant les pages entourant l’article initialement consulté…
LIVRE
Le dictionnaire de la photographie
Sous la direction de Nathalie Herschdorfer
Editions de La Martinière : Paris, 2015
The Thames & Hudson Dictionary of Photography
Edited by Nathalie Herschdorfer
Thames & Hudson : Londres / New York, 2015
30,7 x 20,2
448 pages
300 illustrations
