Chronique Mensuelle de Thierry Maindrault
Nous sommes déjà arrivés à la fin d’une année importante pour la photographie, dans son ensemble. Cette dernière a manifestement franchi un point de non-retour pour de nombreux aspects de son évolution. J’ai été amené durant toute cette année à vous faire partager mes constats et mes interrogations sur les nouveaux positionnements de cette image particulière et sur les microcosmes qui l’entourent. Je ne vais pas ternir cette fin d’année avec des redites plutôt pessimistes qu’un grand nombre d’entre vous, célèbres ou modestes, partagent pleinement si j’en crois vos très nombreux commentaires, vos appréciations et vos encouragements.
Je vous propose donc les joies et le bonheur du partage qui reste, ne l’oublions pas, la grande spécificité de l’image photographique. Pour ce faire, je me permets de vous rappeler quelques idées à appliquer et quelques erreurs à ne pas commettre pour permettre à une photographie une grande complicité avec son bénéficiaire.
En préalable, évitons de tricher, consciemment ou non, avec l’objet qui sera offert. Nous pouvons faire plaisir, ou nous faire plaisir, avec n’importe qu’elle photographie ; mais, par pitié, pas de confusions et de présentations non justifiables. Il existe, sauf exceptions très particulières, trois grandes catégories d’œuvres photographiques :
• les photographies dites d’Art ;
• les photographies décoratives ;
• les photographies dites poster.
Les « Photos d’Art » répondent à toute une série de critères très précis et l’absence d’un seul d’entre eux annule la dénomination. L’image doit être conçue, réalisée, travaillée, préparée et tirée par l’auteur en personne ou sous son contrôle total du début à la fin de l’intégralité des opérations. Le document final doit être signé et authentifié par l’auteur de son vivant et en aucun cas « post mortem » ou par délégation. Lors du premier tirage, l’auteur doit fixer, de façon définitive et irrévocable, le nombre total maximum de tirages qu’il fera de son image, toutes dimensions, tous supports et toutes couleurs confondues. Ce nombre total ne peut en aucun cas excéder 30 exemplaires et il doit figurer sur chacun des tirages en regard du numéro de suite logique attribué au tirage. Dans le cas d’une sous numérotation, totalement inutile et sans aucune valeur, le nombre total doit toujours figurer à coté du numéro logique de suite (tous tirages confondus). Un certificat signé de l’auteur avec une validation par un double hologramme ou par une puce numérique peut être un plus, non obligatoire.
Les photographies décoratives sont bien moins contraignantes. En général, elles sont réalisées sur un support photographique et par un procédé d’impression, analogique ou numérique, dédié à la photographie. A première vue, ces photographies ressemblent beaucoup, dans leur aspect et dans leur structure technique, aux « Photos d’Art ». Sauf, qu’elles sont réalisées sans l’auteur qui est souvent déjà décédé, sans son interprétation directe, sans son authentification et sans sa signature. De surcroit, si elles sont numérotées, ce n’est pas au sens strict et dans la limite fixée par la Loi. Si un numéro libre a été apposé, il n’est pas rare qu’il soit en centaines, j’en ai même vu en milliers avec une signature très connue apposée mécaniquement. Ces images peuvent être très belles et donner le change ; mais attention, ce n’est que de la décoration et les prix ne doivent pas dépasser une ou deux centaines d’euros, quelque soit l’auteur et sa notoriété.
Les posters sont en général de très belles photographies, car elles doivent plaire au plus grand nombre ; compte tenu de leur impression, en très grande quantité, par des procédés industriels d’impression. Vous pouvez toujours faire signer votre affiche par son auteur, ce qui est sympathique psychologiquement, mais sans aucune valeur intrinsèque.
Tout le reste est du domaine du folklore avec les photographies sur les T-shirts, sur les mugs, sur les éventails, sur les sets de tables et bien d’autres fantaisies.
Après avoir choisi votre type de photographie, la question se pose de savoir où l’obtenir. La meilleure solution reste toujours de l’acquérir directement auprès du créateur. Cela vous offre souvent l’opportunité d’échanger réellement et de découvrir un choix beaucoup plus important de photographies qui seront adaptées à vos possibilités et à vos recherches. Au passage, il vaut mieux fuir le photographe caméléon qui vous propose sa réalisation adaptée à la dimension de votre canapé ou assortie à la couleur de la chambre. Ne pas confondre création photographique et architecture d’intérieur ! La deuxième source fiable se trouve dans les quelques véritables galeries dédiées à la photographie. Ces vrais professionnels proposent un bon choix d’œuvres en stock et ils respectent honnêtement les réglementations dont sont les garants. Ils ne devraient pas vous pousser vers un achat impératif et ils vous apporteront des réponses à la hauteur de vos attentes. La troisième source également assez fiable se trouve sous le marteau des commissaires-priseurs. Sauf de très rares exceptions, les lois et les réglementations sont respectées avec des descriptifs techniques et historiques exacts. Le seul inconvénient réside dans votre envie irrésistible pour une photographie ou votre goût sournois du jeu qui vous embarqueront dans une enchère financièrement déraisonnable.
Ensuite, pour les autres propositions, ce sont d’autres aventures très rarement susceptibles de vous satisfaire. Une œuvre d’art ou même de décoration ne s’achète pas sur internet. Car, vous avez des yeux pour voir et des mains (avec des gants) pour toucher, pour sentir et pour apprécier votre choix. Même sur le site d’un auteur, fuyez ce type de circuit pour tout achat de plus de 50 euros. Enfin, les galeries pseudo immobilières, les vendeurs franchisés et autres grandes enseignes – prétendues spécialistes – sont tous à fuir comme la peste. On vous y vendra la main sur le cœur, une œuvre d’art inédite et authentique d’un auteur très médiatisé (pas souvent pour ses photographies). Cette photographie portera un numéro 361 et elle sera certifiée par la signature d’une maîtresse de ce génie ou par un gribouillis de sa petite fille. Il faut savoir changer de trottoir avant de se faire embobiner.
J’aimerais revenir à l’essentiel, vos pieds à nouveau posés sur terre, votre choix se doit d’être affectif, sensuel et bienfaisant. Je ne plaisante pas, une œuvre photographique, c’est une symbiose qui raconte forcément quelque chose entre un sujet et la créativité photographique d’une personne. Il est indispensable que le bénéficiaire qui va côtoyer fréquemment cette image puisse échanger avec elle, trouver des satisfactions en passant devant, découvrir des réponses et un apaisement dans la contemplation. Méfiez-vous du coup de cœur instantané sur la forme de l’image qui ne perdurera pas dans le temps avec le décryptage du fond. Comme pour toute œuvre d’Art, l’acquisition d’une photographie est un mariage autour d’un dialogue dont nous ne connaissons pas la durée (comme pour tout bon mariage). Les divorces prématurés évoquent souvent des choix peu judicieux.
Dernier point incontournable, si votre achat n’est pas un petit cadeau égoïste, pour vous-même, et qu’il est destiné à un tiers, je me dois de vous éclairer sur l’erreur récidivante. Votre ami – même très proche – n’est pas vous, vous devez vous assurer que votre cadeau lui plaira à lui et qu’il prendra du plaisir en déambulant devant. Vous devez être certain que l’image que vous avez retenue lui apportera bien tout ce que vous auriez souhaité pour vous satisfaire. Votre argent investi dans votre présent n’est pas le seul vecteur qui apportera une sérénité à la personne que vous voulez honorer.
Terminez bien cette année et longue vie aux photographies dans leur réalisation.
09 décembre 2022
vos commentaires sur cette chronique et sa photographie sont toujours les bienvenus à