Né à Berlin en 1945, Michael Schmidt a photographié sa ville pendant presque vingt ans. Depuis les années 1920, Berlin est au cœur des mouvements politiques et culturels européens : la République de Weimar et les avant-gardes, le nazisme, l’année Zéro 1, le pont aérien, le discours de John Kennedy, les espions venus du froid, le mur de Berlin, la génération contestataire qui marquera 1967… Les images de Berlin ont alimenté le mythe d’une ville post-apocalyptique, un lieu resté clos depuis 1945 et qui l’était encore en 1987. C’est le sujet de Waffenruhe (« Cessez-le-feu » ou, littéralement, « Le silence des armes ») qui répercute cette histoire tristement romantique, automnale, sombre.
Michael Schmidt ne traite pas d’une réalité objective sur le mode du paysage social traditionnel, mais utilise le flou et les altérations d’échelle pour donner à voir le monde à travers une incessante bruine d’hiver. Il est un artiste du fragment, de la complexité, de la contradiction. Si, auparavant, il recherchait un équilibre entre l’objectivité et sa perception personnelle, Waffenruhe marque une rupture dans son travail. Il coupe tout lien avec le style objectif de l’école de Düsseldorf et développe une esthétique de l’expérience immédiate, un point de vue délibérément subjectif, et un rapport à la réalité marqué par l’émotion. Pour lui, le Mur a non seulement signifié la séparation, mais aussi un ensemble de pertes dans sa propre vie. Les images fonctionnent avec le texte de Einar Schleef pour créer une perspective brusque et entièrement individuelle sur la fragilité de l’existence humaine. La première édition, publiée en 1987 par Dirk Nishen Verlag fait partie des livres photographiques les plus influents. Trente ans plus tard, réédité en fac-similé, Waffenruhe est à nouveau disponible.
Irène Attinger
Irène Attinger est responsable de la bibliothèque et de la librairie de la Maison européenne de la Photographie, à Paris.
Michael Schmidt, Waffenruhe
Publié Koenig Books
80€
www.buchhandlung-walther-koenig.de