Yasuhiro Ishimoto – Moment – Par Mei Asakura
« … Yasuhiro Ishimoto est visuellement bilingue : japonais par sa culture, oriental dans sa manière de voir et occidental par sa formation au Chicago Institute of Design (centre contemporain de la tradition Bauhaus), il parle anglais avec un accent allemand. » – Minor White
À la fin des années 1980, Ishimoto commence sa série « Toki » [Moment], dont le titre de travail pendant toutes les années de prises de vue est utsuroi [le fugitif, le transitoire]. Ces images s’attachent à l’impermanence des choses : des feuilles mortes recroquevillées sur l’asphalte, des canettes vides, la surface mouvante d’un ruisseau qui s’écoule, des foules urbaines, de la neige qui tombe et qui fond, des nuages flottant dans le ciel […]. Cette démarche résonne également avec la conception de la nature, de la vie et de la mort exposée dans la littérature classique japonaise. Reconnu pour son approche formelle et sa perception sensible acérée, Ishimoto s’attache dans ses derniers travaux à la contemplation d’un monde en mouvement perpétuel où l’éphémère définit toute chose.
Lorsque le photographe Minor White, après avoir visité en 1960 son exposition individuelle au Art Institute de Chicago, le qualifie de « bilingue visuellement », Ishimoto réagit vivement à cette formulation qui laisse entendre qu’il a inventé un nouveau langage par la synthèse des regards occidentaux et orientaux – lui qui n’a, dans ce domaine, reçu aucune éducation au Japon. Ce n’est que beaucoup plus tard, vers la fin de sa vie, après avoir exploré ses racines nippones, rencontré la philosophie de la non-dualité et constaté à quel point il était sensible à l’approche traditionnelle japonaise de l’impermanence, qu’il a semblé finalement en accord avec les mots de White. La destination est enfin atteinte, après un périple d’un demi-siècle sur ce chemin qu’il devait parcourir, entre deux identités, occidentale et orientale.
Par Mei Asakura, conservatrice au Ishimoto Yasuhiro Photo Center (The Museum of Art, Kochi).
Extrait de L’impact de l’œuvre de Yasuhiro Ishimoto au Japon : Tokyo dans les années 1950 et au-delà dans le livre Yasuhiro Ishimoto. Des lignes et des corps.
Yasuhiro Ishimoto – Des Lignes et des Corps
Jusqu’au 17 novembre 2024
LE BAL
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