Yasuhiro Ishimoto – Katsura, Villa impériale du xviiesiècle aux motifs « mondrianesques » – Par Yasufumi Nakamori
« Je retrouvais à Katsura les éléments de base de l’architecture de Chicago. C’est en contemplant la pure géométrie des bâtiments de Mies van der Rohe à Chicago que s’était révélée ma vocation. Quelle émotion de retrouver dans l’architecture classique de mon pays d’origine, non seulement des rappels de l’architecture moderniste, mais sa source même… » – Yasuhiro Ishimoto
La villa impériale de Katsura est l’un des premiers lieux visités par Ishimoto à son retour au Japon au printemps 1953, après quatorze années passées aux États-Unis. Le jeune photographe est alors chargé par Edward Steichen, directeur du département Photographie du MoMA de New York et commissaire de l’exposition The Family of Man, d’accompagner son collègue, Arthur Drexler, directeur du département Architecture, à Kyoto et à Nara dans le cadre de son exposition consacrée à l’architecture japonaise prémoderne. Parmi les différents sites visités par Drexler et Ishimoto au cours de ce voyage, c’est celui de Katsura qui marque le plus le photographe. Ishimoto est séduit par ses jardins et ses nombreuses pierres de gué. Avec son appareil Linhof grand format 4×5, il se concentre sur des détails du pavillon de la cérémonie du thé et des salles d’études datant du xviie siècle, ainsi que sur les jardins et allées couvertes de pelouse et jalonnées de chemins de pierre reliant les édifices. Il qualifie de « mondrianesque » un motif géométrique observé sur les poutres et les colonnes de l’architecture japonaise, composée de bois et de torchis, créant une résonance entre leurs caractéristiques et celles de l’architecture moderniste composée de verre, de béton et d’acier, typique de Mies van der Rohe, tels les bâtiments de Lake Shore Drive à Chicago, photographiés par Ishimoto lors de leur achèvement, en 1951. (…) Les images étonnantes et inhabituelles qu’il réalise témoignent de l’originalité de son approche photographique, nourrie d’une curiosité, d’une assimilation du formalisme, d’un sens de l’expérimentation et d’une précision impartiale, issus de sa formation à l’ID. (…)
Ishimoto prend plus de six cents photos de Katsura au cours de ses deux visites, dont environ cent trente-cinq sont publiées en 1960 dans son ouvrage Katsura: Tradition and Creation in Japanese Architecture. Ses images sont accompagnées d’un essai de l’architecte Kenzō Tange et d’une introduction de Walter Gropius. Alors que la mise en page des photos est réalisée par Tange avec le concours du graphiste japonais Yusaku Kamekura, la couverture et d’autres aspects de la conception graphique sont signés du célèbre designer du Bauhaus Herbert Bayer, qui a collaboré avec Tange. Le livre est publié au Japon et aux États-Unis. Les photos d’Ishimoto apporteront aux architectes et aux artistes japonais un nouveau regard sur la tradition japonaise, au moment où ces derniers explorent la modernité ou les expressions de cette modernité, dans le contexte de la démocratie d’après-guerre.
Par Yasufumi Nakamori, historien de l’art, conservateur et directeur de l’Asia Society Museum à New York. Extraits de Nouveaux regards sur Katsura du livre Yasuhiro Ishimoto. Des lignes et des corps.
Yasuhiro Ishimoto – Des Lignes et des Corps
Jusqu’au 17 novembre 2024
LE BAL
6 impasse de la Défense
75018 Paris
www.le-bal.fr