Yasuhiro Ishimoto – Chicago, le New Bauhaus de László Moholy-Nagy et Harry Callahan – Par Agathe Cancellieri
« L’enseignement au New Bauhaus (ID) était très inorthodoxe. Avant même que nous puissions nous emparer d’un appareil photo, on nous enseignait le dessin de A à Z, en commençant par des croquis très simples. Jour après jour, nous étions formés à maîtriser les points, les lignes, la texture d’une surface et la lumière, à tel point que je me demandais quand j’allais enfin apprendre à photographier. Cet apprentissage des fondamentaux a duré deux ans… » – Yasuhiro Ishimoto
Tout à la fois studio photographique, terrain d’expérimentations et sujet, c’est à Chicago que l’œuvre d’Ishimoto va s’édifier dans toute sa singularité. (…) Ishimoto arrive à Chicago en 1948 par hasard et presque par dépit. Rapidement pourtant, cette ville se révèle fascinante d’un point de vue architectural et culturel. Lieu d’origine des gratte-ciels et du fonctionnalisme en architecture, elle incarne la cité moderne par essence. Elle est, en outre, un laboratoire de création pour des architectes tels que Louis Sullivan, Frank Lloyd Wright et Mies Van der Rohe dont Ishimoto admire les immeubles d’habitation le long du Lake Shore Drive.
En 1948 l’Institute of Design (ID) de l’Illinois Institute of Technology, connu sous le nom de New Bauhaus, n’a que quatre ans d’existence et le département photographique que rejoint Ishimoto, un des premiers aux États-Unis dans une université, vient tout juste d’être créé sous l’impulsion de László Moholy-Nagy. (…) Les élèves s’intéressent aux propriétés du médium photographique que sont la lumière, le contraste, le multiple, le volume et le mouvement, le développement, le pouvoir interprétatif de l’image et la série. Dans un premier temps, les exercices sont réalisés au sein du studio puis, sous l’influence d’Harry Callahan, véritable mentor d’Ishimoto, dans les rues de Chicago.
Dans la série des plages du lac Michigan, Ishimoto photographie d’abord les plagistes en position de relaxation, allongés sur le sable, lisant un journal ou observant le lac. Puis il se concentre sur ceux qu’on imagine devant un comptoir dans l’attente d’une commande. Leurs jambes, telles des lignes verticales, forment une composition étonnante. En isolant simplement une partie du corps, Ishimoto perçoit la force du pouvoir suggestif de l’image. Les jambes deviennent ainsi révélatrices d’une attitude, d’une personnalité, d’un moment, tout en constituant des éléments graphiques qui structurent l’image. C’est cette série que retient Edward Steichen, directeur du département photographique du MoMA de New York, dans son exposition Always The Young Strangers de 1953, représentative d’une nouvelle vision photographique portée par une jeune génération de photographes.
La quête d’une cohésion parfaite entre la forme, le sujet et le cadrage reste essentielle pour appréhender l’œuvre d’Ishimoto. Sous l’influence du photographe Wayne F. Miller puis du photojournaliste Gordon Coster, les élèves de l’ID sont aussi invités à scruter Chicago à partir de thématiques sociales. Dans les quartiers de Bronzeville, Maxwell Street et Uptown, Ishimoto photographie les populations marginalisées, en particulier les afro-américains, par exemple à l’occasion d’un concours de déguisements d’Halloween organisé dans les quartiers sud de la ville.
Par Agathe Cancellieri. Extraits de Yasuhiro Ishimoto, Sweet Home Chicago du livre Yasuhiro Ishimoto. Des lignes et des corps.
Yasuhiro Ishimoto – Des Lignes et des Corps
Jusqu’au 17 novembre 2024
LE BAL
6 impasse de la Défense
75018 Paris
www.le-bal.fr