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LE BAL : Joanna Piotrowska : Entre Nous

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LE BAL présente la première exposition en France dédiée à l’artiste polonaise Joanna Piotrowska, remarquée à la dernière Biennale de Venise et lauréate du Lewis Baltz Research Fund (2018) initié par LE BAL. Depuis une dizaine d’années, elle développe un univers visuel au croisement de la photographie et de la performance, qui ausculte les relations complexes et ambiguës au sein du cercle familial.

 

Joanna Piotrowska en conversation (fragments) avec Magdalena Komornicka

Magdalena Komornicka : Pourquoi photographier des zoos ?
Joanna Piotrowska : Mon intérêt pour les cages et enclos d’animaux les animaux en cages s’inscrit dans le prolongement de thématiques en jeu dans mes oeuvres précédentes par exemple dans la série antérieur Shelter qui figure des structures précaires imaginées et fabriquées par des individus pour qu’ils s’y abritent à l’intérieur de leur propre maison. Les cages ont une fonction de vitrine, de décor au centre duquel nous plaçons l’animal tel un objet. Nous sommes confrontés à deux phénomènes à la fois significatifs et antinomiques : d’une part, la protection et la responsabilité, et d’autre part, l’oppression et l’asservissement. Cette dichotomie est le point de départ de la plupart de mes œuvres. Il est important pour moi de créer de telles connexions et de passer de l’animal à l’humain, de l’humain au foyer, du foyer à la cage, de la cage au refuge, à la sécurité, à l’intimité, au toucher. Je navigue entre ces différents points de référence, tout en essayant d’explorer les liens qui les unissent.

MK : À l’inverse de vos œuvres précédentes, ce sont des photographies documentaires.
JP : Oui, les Enclosures sont les seules œuvres pour lesquelles je n’ai pas conçu de mises en scène. Ce serait redondant car tout ce qui se trouve dans les cages ou les enclos a déjà été minutieusement pensé et disposé par quelqu’un d’autre. Dans ces paysages artificiels, ont été installés des accessoires placés à dessein, tels un tronc d’arbre, un ballon, une couverture, une assiette de nourriture, des plantes ou des pierres artificielles. Parfois des objets destinés à “prendre soin” ou “stimuler” les animaux sont ambigus comme les jouets ou miroirs, ils pourraient être des objets pour enfants, ou, à l’opposé, des instruments de torture. Il y a par exemple une sorte de pince qui ressemble à un pistolet, une extension de la main utilisée pour tenir l’animal à distance.

MK : C’est intéressant au regard de vos œuvres précédentes, dans lesquelles on retrouve le thème du toucher.
JP : Oui, il y a une récurrence du thème du toucher dans plusieurs de mes œuvres ; avec la série Frowst, dans le contexte de relations familiales intimes. J’ai demandé à des amis de concevoir avec moi des situations dans lesquelles ils poseraient avec des membres de leurs familles dans des positions parfois empruntées à des sessions de “thérapie” et parfois inspirées par des photographies anciennes d’eux-mêmes dans un cadre familial. En résulte des situations complètement fictionnelles photographiées selon les conventions du documentaire.

MK : Le toucher, le corps et la violence apparaissent dans les photographies représentant des jeunes filles adolescentes dans des poses extraites d manuels d’autodéfense.
JP : Ce travail, tout comme la série Frowst, vient de mon intérêt pour la communication non-verbale et pour les techniques thérapeutiques fondées sur le travail du corps et non de la parole. Puisque le corps réagit à des choses telles que nos émotions, nos failles, il ne peut demeurer indifférent au contexte socio-politique dans lequel nous évoluons. Lorsque j’ai découvert des manuels d’autodéfense, j’ai été d’emblée fascinée par le fait que le corps y était d’emblée considéré comme une arme, et que tous les mouvements et les gestes formaient une sorte d’alphabet, un langage corporel autonome. À cette époque, je lisais aussi Joining the Resistance, où Carol Gilligan décrit comment inconsciemment, les adolescentes s’autocensurent, se subordonnent d’elles-mêmes aux schémas préconçus de la féminité ou du rôle intériorisé des jeunes filles dans une culture patriarcale. Les jeunes filles et femmes de mes photographies se trouvent dans des espaces domestiques, le plus souvent dans leurs chambres, et dans des positions inconfortables. Il n’est pas d’emblée apparent que ces corps se défendent eux-mêmes. Il ne nous est pas non plus donné à voir ce contre quoi ils se défendent. Nous voyons seulement qu’ils sont intensément en relation avec quelque chose de dangereux, qui est situé hors cadre.

 

Commissariat : Julie Héraut et Diane Dufour

 

Joanna Piotrwoska : Entre Nous
Du 15 février au 21 mai 20236,
LE BAL
impasse de la Défense
75018, Paris
www.le-bal.fr

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