Qu’est se passe t-il avec le photojournalisme?
Les médias imprimés appartenaient au 20e siècle. Le 21e siècle a vu naître l’âge numérique. Et avec lui sont arrivés le déclin des journaux papier, la perte de photojournalistes de presse et même de départements de photographie. La chute des abonnements papier. La tendance est à la vidéo. Les citoyens sont devenus des reporters avec des appareils photos de téléphones mobiles et capables d’enregistrer des vidéos. Internet a créé une sphère où les images atteignent un niveau de saturation et où l’industrie de l’information est devenue méconnaissable. Le profit a souvent détrôné l’information.
Les modes de présentation de l’actualité ont changé. Les informations télévisées sont pour beaucoup fortement teintées d’opinion, variant selon la personnalité des journalistes. Il y a une tendance à l’interprétation personnelle de l’actualité dans certaines formes de médias télévisés.
Nous sommes dans une période de transformation où les images ont toujours leur place. Elles constituent souvent la meilleure représentation d’un reportage valable et objectif. Au cours de l’histoire, depuis l’apparition de la photographie, les photos ont montré qu’elles pouvaient être un catalyseur de changement. Il y aura toujours des reportages de qualité, mais ceux qui fournissent ces récits ont besoin de soutien.
En ces temps de changements, les vieilles méthodes de rentabilité du métier du photojournalisme ont disparu. Nous sommes entrés dans l’ère des Données. Des millions de pages sont partagées chaque jour, la consommation des données est encore plus élevée, avec des statistiques qui dépassent l’imagination. En l’espace d’une minute : 100 000 tweets, 262 000 dollars dépensés, 3 600 photos partagées sur Instagram, 48 heures de vidéos téléchargées, par quelque 2 100 millions d’individus.
Les photographes de documentaires se sont organisés en coopératives regroupant leurs semblables ou animées d’une mission. Les agences de documentaires comme Magnum se sont réorganisées et ont été revitalisées grâce à un apport de capitaux et un nouveau modèle d’entreprise. Al Jazeera America et Al Jazeera encouragent l’article longue forme, qui nécessite davantage d’images. Kickstarter est une source de financement pour les projets photographiques, les livres et les films. Il existe des concours photos, comme le Prix Pictet, dont le thème change chaque année, et qui dote le lauréat d’un prix de 100 000 francs suisses. Le FotoFest de Houston apporte son soutien aux photographes avec son programme de bourses, ses concours de portfolios photos (the Meeting place) et ses expositions de découvertes de talents internationaux.
Les ONG (organisations non gouvernementales ; groupes de citoyens bénévoles organisés à l’échelle locale, nationale ou internationale) financent des projets de photographie. Certaines agences et organismes de photo sont à but non lucratif, et parviennent à obtenir des subventions auprès de fondations, de trusts, de corporations, et de donateurs individuels. Des agences comme Getty Images et Corbis proposent des contrats aux photographes et achètent également des archives. Ces banques d’images ont élargi le marché, d’une certaine façon au détriment des créateurs d’images en offrant des photographies libres de droits ou à bas prix ; en changeant ainsi la valeur marchande au risque de dévaluer le produit.
A l’heure actuelle, les photojournalistes se doivent d’être créatifs, ce sont les critiques et les innovateurs qui ont changé et qui vont continuer à changer les méthodes de production et de distribution de la profession. Pour toucher un public plus large il est nécessaire d’accéder à des outils nouveaux et de nouvelles formes de programmation. La plupart des 2 100 millions d’usagers Internet sont sur des appareils mobiles, surtout les milléniaux. Ce sont eux qu’il faut écouter.
Patricia Lanza, Directrice de l’Annenberg Space for Photography
