Tous les cinq ans, le musée de l’Elysée à Lausanne dresse un panorama de la jeune photographie contemporaine. L’institution contacte les principales écoles de photographie dans le monde, leur demandant de lui soumettre les travaux de leurs 5 meilleurs étudiants. En 2015, le musée suisse a envoyé sa proposition à 350 centres de formation. Au final, 50 projets en provenance de 18 pays ont été retenus. Avec pour ambition de révéler les nouvelles perspectives de la photographie.
A découvrir reGeneration3, après les précédentes éditions de 2005 et 2010, le constat est limpide : la photo est bel et bien sortie de son cadre. Dans les écoles, l’heure est au métissage des moyens d’expression. L’image fixe s’anime, se fait installation, édition, performance ou jeu vidéo, se conjugue à toutes les techniques multimédia. Elle constate peu, construit beaucoup. Elle recycle ses procédés passés comme ses penseurs d’hier (Sontag, Barthes, Benjamin). Elle s’intéresse au document, à la mémoire, à la dématérialisation, à l’expérience. Elle dépasse sans même les regarder les vieilles normes de l’objectivité et de la vérité. Les genres du portrait, du paysage, de la nature morte, de la rue, du reportage ? Oubliés. Ou alors repensés selon les moyens et la créativité pixellisée d’aujourd’hui. Rares, aux murs, sont les tirages qui se suffisent à eux-mêmes, comme dans l’ancien temps.
Divisée en trois principales sections (le sujet documentaire, les nouvelles expressions, la mémoire), l’exposition est mise en scène à grand soin. Il en fallait, de la rigueur, pour mettre en forme cette photographie tri-dimensionnelle, multisupports, avide consommatrice d’écrans, d’objets, de mobilier. Le visiteur-explorateur de ce nouveau monde contourne des housses mortuaires, marche sur des impressions colorées, pénètre dans des huttes.
En 2010, la photographie chinoise se mettait en évidence, avec orgueil. Cette année, l’aiguille magnétisée s’est déplacée vers les pays de l’Europe de l’est, la Pologne surtout, ainsi qu’en direction de la Scandinavie ou du Royaume-Uni. La Suisse, aux écoles de photo réputées -et promptes à répondre à l’invitation du musée de l’Elysée- est très présente. Un Thaïlandais excellent (Harit Srikhao) conseillé non par un centre de formation, mais par le festival photo de Phnom Penh dirigé par Christian Caujolle. Des Français, des Américains, des Sud-Américains, des Sud-Africains, des Sud-Coréens. Et beaucoup de binationaux, comme pour signifier que le temps des nations photographiques, à la manière caractéristique, était révolu.
La maîtrise technique de ces jeunes photographes impressionne, de même que leur intelligence des moyens d’expression à leur disposition. La qualité d’ensemble des travaux est égale, sans qu’un talent éblouissant, évident, hors normes ne vienne frapper la rétine. Certains projets quittent trop les rivages de la photographie pour justifier leur présence en ces lieux. A moins de constater que la photographie n’est plus, ou décidément beaucoup plus que ce qu’elle a été.
EXPOSITION
reGeneration3
Du 29 mai au 23 août 2015
Musée de l’Elysée
18, avenue de l’Elysée
1014 Lausanne
Suisse
http://www.elysee.ch