Dans The First and The Unseen, les photographies de Laurie Lambrecht dissèquent littéralement le travail de l’artiste pop Roy Lichtenstein, décédé en 1997. Durant trois années – de 1990 à 1993 -, la photographe américaine a été l’assistante de ce maitre de la peinture inspirée de comics et a été le témoin de son quotidien. Elle livre aujourd’hui une sorte de journal où apparaissent notamment une série d’images inconnues, restées de longues années dans ses classeurs. De l’art sur de l’art, ose-t-on dire.
Car ici, le négatif se confond avec la toile. La lumière qui apparaît sur l’image ne vient pas du jour mais bien du pinceau. Dans un pur style trompe l’œil, Lambrecht s’est postée dans le studio à la recherche du cadrage parfait, qui s’ajusterait avec les tableaux et laisserait un objet ou la présence de Lichtenstein se fondre dans le décor. Sur ces photographies carrées d’un tout nouveau Hasselblad, l’artiste, majoritairement de dos, appose sa peinture, scotche, dessine, fignole ou analyse son œuvre. Plusieurs d’entre elles captent les réinterprétations pop des classiques de Van Gogh, Picasso ou Monet, destinées à êtres exposées dans une rétrospective au Guggenheim de New York en 1993. Reflections et The Interiors font partie des derniers travaux de ce passionné de publicité et d’imagerie populaire au style « aussi artificiel que possible », selon ses mots.
Aux côtés de cette illusion d’optique, Laurie Lambrecht, encouragée par son mentor, a choisie de porter son regard sur ses inspirations. Elle a donc documenté les échantillons de bandes dessinées, les photos de pinups ou les dessins de Lichtenstein qui s’étalaient sur les tables ou étaient accrochés aux murs de l’espace. Tous ces documents ou presque ont été découpés ou arrachés à des magazines ou des publicités d’époque, puis rangés dans des cahiers que l’artiste conservait précieusement depuis le début de sa carrière. Au milieu figure une feuille de papier amusante : y sont écrits une liste d’onomatopées empruntées aux strips de comic-books. BRRRP, SPLANG, WHAAA, BLAM BAM !
Par sa relation avec Lichtenstein, Laurie Lambrecht a bien entendu introduit l’émotion dans son travail. Mais par le procédé, elle a fait le choix d’y ajouter une sensible dose d’humour. Deux dimensions qui apparaissent dans un cliché attendrissant. Devant une toile abstraite, à la dominante beige, git un tabouret et dessus les lunettes de l’artiste. Si Laurie était occupée à régler sa mise au point, sans doute Roy était-il en train de somnoler ou de déguster une friandise. MIAM.
Jonas Cuénin
Laurie Lambrecht, The First and The Unseen
Jusqu’au 22 octobre 2011
Rick Wester Gallery
511 West 25th Street
New York, NY 10001
Livre à paraître chez Random House le 25 octobre 2011
128 pages, $40