Objets inanimés
Le cocher du temps a emporté leurs occupants, un à un, de cheval en calèche.
Ces manoirs, demeures et châteaux de la région se meurent, abandonnés, vidés.
Pour autant, en se laissant happer, en aimant s’y perdre, quelques objets et gestes y sont restés figés comme en suspens et pourtant s’entrelacent sous mes yeux.
Ici je m’attache à l’anecdotique de la toute petite histoire, non pas celle à l’échelle humaine mais à celle d’une femme, d’un homme, l’histoire domestique du quotidien familier, pas un peuple ou sa mémoire mais juste des souvenirs.
Ces matières, jouets, pages jaunies ou déchirées, cadres de vie et autres fragments de vie évocateurs, se laissent approcher pour nous parler un peu de leur passé avec les vies qui ont fait la leur, en dire quelques bribes. Ils incarnent la mémoire, par eux elle perdure et s’obstine, contre l’effacement et l’oubli.
Comme des portraits “ in absentia “ de vies interrompues ou juste parties, pour un meilleur ailleurs.
La lumière, tantôt s’infiltre, diffuse et réchauffe d’une caresse éphémère ces objets inanimés, leur confère une présence palpable, puis s’éclipse pour regagner l’ombre de l’absence.
Et l’on se prête un instant à suivre leurs mouvements, la prégnance fuyante de ces âmes- objet devenues fugaces.
Impermanence du matériel parfois encore ordonné et déjà gagné par l’inquiétant chaos rampant
Paradoxe de ces objets mémoires qui sont pourtant des bribes de préfiguration, inexorablement… Pour nous tous.
Déjà mes pas s’éloignent. Je sais que dans mon dos, des âmes silencieuses épient mon replis.
Leurs regards, tout comme le mien l’a fait, filtrant le film de la poussière sur les images.