Une réflexion en espace clos sur l’autoportrait, l’intime, la dilution. C’est ce que propose Laurent Millet à la Galerie Particulière. Une vingtaine de photographies aux formats variés, issues de trois séries mélangées entre elles, y sont disposées avec un accrochage harmonieux qui fait voyager d’un univers à l’autre.
Pour Translucent Mould of me (2013), Laurent Millet a fixé des fils de fer sur les murs d’une pièce blanche. Ces fils comme tracés sur les parois dessinent un espace improbable dans lequel il se glisse, nu, mouvant. Une silhouette rendue floue par le mouvement lors de la prise de vue, comme une ombre sur laquelle se distingue un élément immobile, la main ou le pied. Elle acquiert alors une dimension ectoplasmique, qui, confrontée à la fixité du décor, provoque une distorsion de la perspective, un décrochage de la réalité recherché par l’auteur. Le résultat est à la fois poétique, légèrement burlesque et troublant.
Dans Somnium (2014), les ambrotypes, très XIXe, renvoient à un temps où la science expérimentait sans conscience de l’impact esthétique de ses images. L’artiste s’y met en scène avec des polyèdres qu’il a construit, dans lesquels on retrouve son goût pour les formes géométriques, le mystère de l’objet et l’image du savant dans son bureau-laboratoire. Les images de Somnium ont une part de magie, d’étrangeté inscrite dans un cadre familier. On y voit un personnage penché sur un polyèdre qui semble flotter dans l’espace, inatteignable. Ou des mains noircies dans la paume desquelles un objet repose. Laurent Millet en les créant pensait à une vidéo de Douglas Gordon dans laquelle une main se bat contre son ombre. Elles évoquent des mains talismans, un peu chamaniques, ou les mains sales du laborantin montrant le résultat de son expérience.
Les Derniers jours d’Emmanuel Kant (2009), d’après le roman éponyme de Thomas de Quincey, est une rêverie sur la vieillesse du philosophe qui, s’il perd sa capacité à conceptualiser, n’en perd pas pour autant son rapport harmonieux au monde. Une réflexion dans laquelle se retrouve Laurent Millet : l’artiste solitaire dans son atelier, comme le vieux penseur dans son cabinet de travail, qui essaie de mettre une pensée en place pour maîtriser ce qui lui arrive. Une série plus douce, lumineuse. Comme ces cubes colorés qui dansent reliés par des fils : des cubes mis au point par Samuel Kohs en 1920 pour un test d’évaluation psychologique, utilisés ici comme un jeu dans l’espace qui convoque Miro ou Calder.
EXPOSITION
Laurent Millet : Somnium
Jusqu’au 14 juin
La Galerie Particulière
16, rue du Perche
75003 Paris
http://www.lagalerieparticuliere.com/
http://www.laurent-millet.com