Au cours de ces 15 dernières années, plus de 250000 paysans se sont suicidés en Inde rurale. Cela était particulièrement fréquent chez les producteurs de coton de l’état de Maharashtra en Inde du sud-ouest. Beaucoup avaient emprunté de l’argent par le biais des programmes de prêts gouvernementaux ou en sollicitant des prêteurs privés pour planter des cultures à meilleur rendement mais ils ne pouvaient plus payer leurs dettes. En raison de la transformation extrêmement rapide que l’Inde a subi – d’un milieu rural à un milieu industriel, d’une économie urbaine à un marché ouvert – les agriculteurs se sont retrouvés confrontés à d’immenses problèmes sociaux et économiques.
« I’ll Die For You » est un projet en cours qui rend compte de l’épidémie de suicides d’agriculteurs utilisant encore la photographie, la vidéo et des documents d’archive. Le projet se focalise sur le lien particulier qui existe entre l’homme et la terre, une relation unique avec les agriculteurs en raison de leur dépendance à l’égard de la terre, pour la subsistance et la confiance égale de la terre de la part des agriculteurs pour leur survie. C’est une relation basée sur la confiance et la nourriture qui va bien au-delà de l’attachement coutumier avec sa source de subsistance. Symboliquement, j’ai choisi de refléter cette relation par des images en gros plans de la peau d’agriculteurs, juxtaposés aux détails du paysage photographié de manière à brouiller la ligne entre l’homme et la terre ; pour montrer que dans cet environnement, la terre et ses habitants sont une seule et même chose: quand l’un d’entre eux meurt, l’autre aussi.
Il était impératif pour moi d’associer un visage à cette histoire – d’humaniser la question pour son public. C’est pour cette raison que de montrer les visages d’hommes décédés était important. En outre, l’oeuvre reflète aussi la perte émotionnelle à travers une série de portraits de femmes veuves et de mères qui survécurent à leurs enfants.
“I’ll Die For You” représente ma première étape d’une exploration à long terme entre les disparités universelles de la vie rurale et de la ville. Combien d’entre nous pensent à l’origine de la nourriture qu’ils retrouvent dans leur assiette ? Pour les hommes et les femmes qui passent chaque jour de leur vie à faire croître ce que nous consommons, chaque grain est un élément essentiel de subsistance.
Laura El-Tantawy, 2011 FotoVisura Grant Top Finalist