Larry Fink est une légende de la scène photographique américaine, figure dominante depuis plus de cinquante ans, qui fait preuve depuis toujours d’une passion et d’un engagement indéfectibles pour des résultats inlassablement surprenants.
La biographie de son site web débute avec Born To Be Wild, Brooklyn, New York 1941. Lorsqu’on lui demande ce qui l’a amené à se tourner vers la photo, il répond souvent que l’alternative aurait été le crime ou la prison.
Non conformiste pensant en dehors des cadres dans son attitude comme dans son approche de la photo, Fink est resté un rebelle depuis l’époque où il a photographié ses contemporains beatniks.
Aussi sensible au charme des stars hollywoodiennes qu’à celui des « princesses » de la campagne environnant Hellertown, Fink – qui se définit lui-même comme un « humaniste ironique » – ne cesse de prendre des photos mondaines, des mises en scènes politiques, des évènements sociaux, des rebelles de la société civile, du travail, de l’énergie de la ville, de l’abandon, de la sérénité familiale, et de l’intimité.
Qu’il s’agisse de la haute société, du monde rural, de l’industrie du cinéma ou d’un ring de boxe, Fink montre un enthousiasme et une énergie rares, avec un style marqué par la proximité, l’empathie, la spontanéité et la sophistication. Sa spontanéité est dans sa façon d’approcher ses sujets, qu’il semble presque toucher de son objectif, et sa sophistication dans ses compositions soigneuses, son choix de points de vue personnels et les contrastes extrêmes de lumière.
La passion de Fink pour le jazz, musique qu’il a entendue dans le fameux Village Gate Club à côté de chez lui, semble lui indiquer le ton et donnent un rythme dansant à ses images, incisif, dynamique et fluide.
Le titre de l’un de ses nombreux livres, On Composition and Improvisation, pourrait en réalité s’appliquer à toute son œuvre. Fink continue à produire ses photos extraordinaires à un rythme effréné pour les magazines de mode, les journaux quotidiens, les projets personnels, le pur plaisir, et l’amour des gens et de la photographie.
Figure éclectique, Fink passe d’un poste à l’autre dans la photographie. Il enseigne à Yale, Cooper Union et Bard College, et il a travaillé pendant des années comme photographe officiel pour Vanity Fair, pour qui il a couvert les Oscars. Fink contribue au New Yorker et aux principaux périodiques américains, a publié des dizaines de livres, et expose son œuvre dans les plus grands musées des Etats-Unis – notamment le MoMA et le Whitney Museum à New York – et d’Europe. Il est reconnu et célébré par des prix prestigieux, tels que l’Infinity Award for Lifetime Fine Art Photography 2015 de l’ICP (Centre International pour la Photographie).
Notre première rencontre avec Fink, déjà célèbre pour Social Graces (1984), remonte à 1997, lorsque nous avons présenté à Paris Boxing, son travail consacré au sport, marqué par une beauté puissante et simple. Il a publié depuis de nombreux autres livres, jusqu’au plus récent sur ses liens avec Andy Warhol et les artistes de la Factory, qui ont permis de redécouvrir des images restées archivées pendant des années. Qui sait combien d’autres merveilles recèlent les archives de Fink ?
Ce nouvel ouvrage explore ses œuvres récentes, avec une sélection d’images prises ces cinq dernières années, qui montrent les séries consacrées aux sujets sur lesquels il a enquêté – proches et lointains. Divisé en quatre sections – « En politique », « Histoires de la campagne », « En ville » et « À la maison » – The Polarities offre la chance de suivre Fink de Washington, New York et Panama City jusqu’à la Pennsylvanie rurale.
Le portrait de la société américaine que Fink dessine depuis les années 1950 se poursuit. The Polarities raconte l’Amérique moderne, les changements radicaux entre les années Obama et l’arrivée de Trump, la société du spectacle – où « the show must go on » – et la division continue entre les zones rurales et métropolitaines. Les images de Fink rappellent ici celles de la Farm Security Administration, grand projet destiné à étudier le territoire américain entre 1935 et 1943.
Ce sont là les fragments précieux d’une immense rétrospective qui annoncent la parution prochaine d’un livre.
Laura Serani
Laura Serani est auteur et commissaire d’exposition indépendante. Elle vit et travaille à Paris, en France.
Larry Fink, The Polarities
Publié par L’Artiere
45 €