« J’étudie à l’université Souphanouvong de Luang Prabang. J’ai commencé la photo à 15 ans, ignorant tout de la technique. Étant donné qu’on ne trouve plus de pellicules argentiques de bonne qualité ni de laboratoire pour les développer, je suis passé au numérique qui coûte moins cher. Originaire du village de Houyman, j’appartiens à l’ethnie hmong, qui pratique le culte des esprits. J’ai commencé à en entendre parler vers 3-4 ans par les anciens, qui nous racontaient des histoires pour nous dissuader de désobéir. Je voyais clairement ces esprits dans mon imagination. C’était d’autant plus terrifiant lorsque quelqu’un mourait au village, car nous savions qu’un fantôme errait dans le coin et nous avions très peur qu’il s’en prenne à nous. Récemment, en rentrant de mon travail dans les champs, j’ai vu des ombres portées sur une nappe de fumée le long de la route. Il s’agissait des silhouettes déformées de passants que j’éclairais avec les phares de ma voiture, et leur aspect irréel me faisait penser aux esprits de mon enfance. J’ai donc cherché à travailler dans des conditions similaires, loin de la ville et en pleine nuit. Mon but était d’emmener le spectateur dans un monde qu’il n’appréhende que par son imagination, le monde des esprits. » Ka Xiong
Françoise Huguier, commissaire
Texte extrait du livre-catalogue « Photoquai » coédition Musée du Quai Branly- Actes-Sud