Le loup-garou d’Allariz était-il une femme ?
En 1853, Manuel Blanco Romasanta fut jugé pour le meurtre de 17 personnes : il admit neuf d’entre eux, mais plaida non coupable parce qu’il souffrait selon lui d’une malédiction qui le transformait en loup. Même si sa ligne de défense fut rejetée au procès, sa peine de mort fut commuée en emprisonnement à perpétuité pour le soumettre à des examens médicaux.
Et c’est ainsi que Romasanta entra dans le folklore hispanique sous le surnom de « loup-garou d’Allariz » ou parfois en tant qu’« homme de suif » car il utilisait la graisse extraite de ses victimes pour faire un savon de grande qualité. Plus de 150 ans plus tard, ce cas hante encore la mémoire collective et déroute criminologues, psychologues et historiens réunis. Selon de récentes analyses judiciaires, l’assassin, qui s’appelait Manuela à la naissance et a été élevé comme une fille jusqu’à l’âge de six ans, pourrait constituer un rare cas d’individu intersexué.
Ma méthodologie de travail prend appui sur des recherches : j’accumule d’abord des quantités phénoménales de données, d’histoires, de comptes-rendus, d’analyses, puis je les conceptualise, j’établis des relations entre les différents éléments et les mets en images. Pour ce qui est du livre, le processus a été similaire, avec le concours cette fois du directeur artistique Ramon Pez. En plus des recherches sur l’histoire, nous avons inclus des visuels et les jalons de nos recherches. Nous avons fouillé pendant des mois pour recueillir de la matière, créer, organiser et établir des liens – nous avons eu pour inspiration des centaines d’images de sources les plus éloignées et qui souvent n’avaient rien à voir avec la photographie ni avec l’histoire de Romasanta. Nous voulions trouver l’ambiance qui nous aiderait à construire l’objet désiré, celui capable de transmettre le sentiment voulu. Pour cela nous avions quelques mots-clés à l’esprit : Galice, XIXe siècle, meurtrier, loups, loups-garous, paysages, intersexualité, sexe, féminité, masculinité, alchimie, magie, sorcellerie et superstition. Le projet s’éloigne donc légèrement de la photographie documentaire pour se rapprocher de la reconstruction, du docu-fiction, et de l’art. Apparemment, notre réflexion insatiable a conduit à l’invention d’un monde, d’un environnement conceptuel, et d’une narration fondée sur la sémiotique du féminin et du masculin, avec pour cadre les paysages peu hospitaliers de la campagne galicienne.
Laia Abril
Laia Abril travaille à une édition collector de ce livre. Lobismuller sera présenté comme installation lors d’une prochaine exposition sur les livres photo au CCCB/FotoColectania à Barcelone.
Laia Abril, Lobismuller
Publié par RM + Festival Images Vevey
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