Dan Ziskie est un photographe basé à Manhattan, et également un acteur. En tant que tel, il est surtout célèbre pour avoir incarné Jim Matthews, le vice-président de la série House of Cards, mais aussi le banquier influent de la Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina dans Treme. Il a commencé à prendre des photos au début des années 1970, alors qu’il travaillait pour le photographe publicitaire Curt Burkhart à Chicago. C’est également à cette période qu’il s’est lancé dans l’improvisation théâtrale, jouant aussi dans le off-Broadway et sur la scène expérimentale alors en plein développement.
Ziskie a déménagé plus tard à New York. Inspiré par la pratique de Gary Winogrand, il s’est promené chaque jour pendant plusieurs années dans les rues de la ville pour prendre des photos avec son appareil 35mm. Son œuvre porte sur ce que les espaces publics urbains révèlent de la société et de la culture. Cloud Chamber (Chambre à brouillard), publié par Damiani, est sa première monographie et présente ses photographies en couleur prises à Manhattan entre 2013 et 2016.
Ziskie écrit que dans la vie ardente des rues de New York, les actions des gens « se reflètent et se répondent… mais l’on ressent parfois une sensation d’intimité. Comme si l’on était seul pendant un moment. Ce sont ces moments que je cherche à photographier le plus souvent, dans la chambre à brouillard de New York. » Il ajoute : « New York est connu pour la foule de gens qui sillonnent ses rues. Quand je me promène avec un appareil, j’ai l’impression que les passants me parlent, qu’ils essaient de me dire quelque chose que je ne peux que deviner par fragments, dans la mesure de mes limites. Pourtant, au bout du compte, lorsqu’on rassemble ces fragments, une histoire ressort. Quelle est cette histoire ? Que me disent les gens ? C’est l’histoire de ce que signifie être vivant à New York aujourd’hui. »
Son œil passionné, nourri par son travail d’acteur, concentre son attention sur le théâtre cinétique qui se joue chaque jour dans les rues. Il montre un New York post 11 septembre, où semble exister un sentiment d’urgence constant. Les gens se déplacent, ou font une pause newyorkaise d’une minute, au milieu des marteaux piqueurs, des sirènes d’alarme, des défilés et des klaxons. Ils semblent perdus dans leurs drames personnels, se frayant un chemin à travers les rues encombrées, semblant oublier les pancartes omniprésentes et les panneaux qui les interpellent.
Dan Ziskie laisse ainsi au spectateur le soin d’imaginer les scènes qui se jouent ici. Une femme tombée sur le trottoir se fait aider par deux personnes. Sont-ils amis ou étrangers ? La femme s’est-elle évanouie ou a t-elle trébuché ? Un homme se prend la tête entre les mains comme s’il était atteint d’une angoisse pathologique, ou peut-être souffre t-il d’un mal de dent ? Une femme portant des lunettes de soleil et une robe longue verte tient un sac rouge rutilant, s’avançant dans l’ombre vers ce qui semble un projecteur de cinéma sur une scène vide. Un homme en sang est étendu au sol, menacé par les jambes de deux hommes debout. Il a l’air mort, ou du moins très gravement blessé. Une femme se tient seule au milieu de la rue, serrant ses bras autour d’elle la tête penchée vers le ciel. Est-ce un moment de prière ou de réflexion, ou profite t-elle du soleil sur son visage avant de reprendre le travail ?
Dan Ziskie, Cloud Chamber
Publié par Damiani
35$