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La Société de Consommation dans le Viseur de l’Histoire

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Avec sa collection vernaculaire, Jean-Marie Donat souligne l’improbable imagerie du plus pur capitalisme d’après-guerre. Montée par la commissaire Audrey Hoareau, une mordante exposition à voir jusqu’au 30 janvier au 104 à Paris.

Les types posent fièrement, la jambe du conquérant sur le pare-chocs de la guimbarde, visiblement la testostérone enflée pour être détenteur d’un tel objet, symbole de l’accomplissement individuel dans la société de consommation qui fleurit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Un peu plus loin, des femmes prennent la pose aussi sur des bagnoles, mais là elles sont assises dessus, les jambes tendues, en pin-ups triomphantes, où se mêlent désir de consommation et désir sexuel du possesseur.

Une collection de cartes postales en dit long sur le sujet. La même nana toute nue reproduite sur autant de paysages différents, lieux de vacances au bord de la mer, comme une immense mascarade où on essaye de nous vendre le mirage d’une jouissance sans borne.

MacDonald’s

Depuis les années 1980, le collectionneur Jean-Marie Donat s’amuse à mettre la main sur ses incongruités, flairant très tôt que se cache dans ce kitsch quelque chose d’important à dire de nous, sur nos pratiques sociales à l’heure d’un capitalisme tout puissant et révélant des comportements qui confinent parfois jusqu’à l’absurde ou émanent de croyances plus anciennes qui renaissent sous cette forme pathétique.

Viennent ainsi les cartes postales vantant des buffets froids où de tristes serveurs attendent comme des poireaux devant d’immenses tables dans la salle commune d’un hôtel glauque. Celles qui montrent les petits trains des petites villes en autant de répliques grotesques. Des photographies de personnes posant sans gêne devant un MacDonald’s comme s’ils étaient devant un monument ou cette collection d’images dans lesquelles il y a toujours quelque part une bouteille de coca-cola. On se gausse aussi un peu plus loin devant les photos de père Noël avec des enfants qui chialent, les têtes moribondes des Santa Claus qui font follement peur.

Anthropologie 

Nouveaux cultes avec de nouveaux dieux et de nouveaux totems. « Autel cathodique » comme plaisante Jean-Marie Donat et Audrey Horeau dans le texte d’un cartel à côté des photographies de téléviseurs – on prenait effectivement non seulement sa voiture en photo, mais aussi sa télé. Là est passionnante la collection présentée, quand elle souligne qu’est associée au fond de ces pratiques une nécessité humaine associée au rituel d’une croyance. Comme ces photographies où de jeunes mariés portent des colliers faits avec des dollars censés apporter la prospérité.

Si la photographie vernaculaire, la photographie réalisée par des anonymes au moment de l’accès en masse à l’appareil photo dans les années 1960-1970, est de plus en plus à la mode en ce moment, avec ici ou là des éditions, des ventes en galerie et des expositions, cette partie de la collection de Jean-Marie Donat pointe avec brio quelque chose que nous n’avons pas forcément vu, sa dimension à la fois historique et anthropologique, accentuant la valeur que nous pouvons lui donner.

Jean-Baptiste Gauvin

 

 « Tout doit disparaître »

Regard sur la société de consommation

Collection : Jean-Marie Donat Commissariat : Audrey Hoareau

104 Paris

11 décembre 2021 – 30 janvier 2022

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