« Wystan nous dit que le fascisme nous gagne sans même que nous le sachions ! Il nous dit que nous souffrons de l’illusion de la normalité. Il nous dit que les pires horreurs se déroulent autour de nous tandis que nous menons joyeusement notre petite vie. Le fait que les journaux continuent de paraître, la télévision de ronronner, les avions de décoller, les trains de rouler, et nous de chier chaque jour, ne signifie pas que tout va bien. Mon cher phallo-crétin, Icare a plongé dans la mer et se noie tandis que nous bavardons allègrement sur le navire. »
Tarun Tejpal, Histoire de mes assassins, Ed. Buchet/ Chastel.
Bien vu, bien écrit. A l’intention des adeptes du bleu marine, appropriation infamante de cette couleur qui n’a pas grand chose à voir avec leur « sui generis » vert de gris. L’écrivain du merveilleux Loin de Chandigarh sait de quoi il parle : journaliste indien révélateur de scandales, il fut plusieurs fois le sujet d’attentat.
Cette citation, pour deux raisons, fait bien et remplit l’espace, mais surtout elle tombe pile poil avec ce que nous vivons en France. Pays mou de partout, relâchement général du neurone, épanchement général du mensonge, aveugles de tous bords, vous êtes unifiés et la table est mise pour vous goinfrer de vos faiblesses. Preuve en est que sommes encore à devoir supporter, sur des cimaises parisiennes un insupportable photographe anglais dont le fond créatif est non pas, comme il tente de le prouver, une dénonciation des dérives comportementales mais un profond mépris du genre humain. Lui-même, bien sûr, est au-delà de ces viles gesticulations, il est le voyeur, juste voyeur… Une photographie sensationnelle sans sens.
Bon, j’ai eu ma dose pour cette semaine. Heureusement, la magnifique exposition Mappelthorpe, guidée par les géniales, délicates interventions de Patti Smith à la radio, m’ont un peu réconciliées avec la « gentry » du papier sensible.
Bonne semaine et bon pied, bon œil.
