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La photographie à la FIAC 2011

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Le rapport de la FIAC avec la photographie a toujours été ambigu. Jusqu’en 1988, de nombreuses galeries invitées à cette grande messe de l’art contemporain sous le chapiteau prestigieux du Grand Palais, n’exposaient que de la photographie. A un moment, devenues trop nombreuses (ou gênantes), elle furent groupées et reléguées à la mezzanine. En 1988, alors que Robert Mapplethorpe, atteint du SIDA, tourne à nouveau sa caméra sur lui-même, une rétrospective d’autoportraits proposés par une galerie américaine choque. C’est la fin du bal entre la FIAC et la photographie. Les galeries photos seront reléguées au salon Découvertes, à la Porte de Versailles, jusqu’à ce que Rik Gadella leur offre une place de choix au Carrousel du Louvre avec la création de Paris Photo en 1996.

Maintenant que la photographie est redevenue fréquentable (et depuis que Reed Exposition à repris Paris Photo) elle réapparait à la FIAC (aussi dirigée par Reed). Sur les 168 exposants cette année, plus de la moitié présentent au moins une photographie ou une œuvre artistique, dont la photographie fait partie du processus créatif. Seul deux galeristes (Rudi Kicken et François Paviot) exposent uniquement de la photographie.

On note que la plupart des artistes photographes présentés sont reconnus et côtés, leurs œuvres figurant dans de nombreuses collections de musées.

En cherchant bien, on découvre aussi bien de la photographie classique : un autoportrait solarisé de Man Ray (Le Minotaure, Paris) ou un très beau portrait composé de Joseph Cornell par Lee Miller (Ubu, New York), moderne : Robert Mapplethorpe (Xavier Hufkens, Bruxelles, Mai 36 Galerie, Zurich et Thaddeus Ropac, Paris/Salzburg) ou contemporaine : Jeff Wall (Rüdiger Schöttle, Munich et White Cube, Londres) ou Andreas Gursky (Sprüth Magers, Londres/Berlin).

Certaines galeries, dont une des spécialités est la photographie (comme 1900-2000) n’en font pas étalage ici, preuve qu’ils savent jouer la carte FIAC et celle de Paris Photo. A la FIAC, sur le stand de Françoise Paviot (présente sur les deux salons) le graphisme dans l’accrochage prime. Des photographies de Marey, Muybridge et leurs contemporains, qui illustrent l’homme en mouvement à travers les âges, sont organisées en mosaïque. Un tirage argentique de 1926 par Man Ray intitulé « Elevage de galets » fait face à deux photographies plasticiennes par Diana Thorneycroft de sa série « Group of seven awkward moments ». Quatre-vingt trois années séparent les deux œuvres, mais le processus créatif est similaire : une mise en scène d’objets miniatures devant l’objectif.

La photographie contemporaine rejoint l’art lorsque l’acte photographique n’est qu’une étape dans la création d’une œuvre. De se fait, Man Ray était déjà en avance sur son temps. Comme lui, Cindy Sherman est considérée plus comme une artiste que photographe. Sa côte en ventes publiques en atteste ainsi que la présence de ses œuvres à la FIAC. De grands autoportraits en couleur (dont il ne reste que des épreuves d’artiste sur le marché) s’exposent sur plusieurs stands dont celui de Metro Pictures, où elle apparait grimé en President George Washington. Cette galerie new-yorkaise présente également une série surprenante de petits tirages noir et blanc réalisés entre 1977 et 2011. D’autres grands autoportraits sont visible chez Skarstedt (New York) et Sprüth Magers (Londres/Berlin).

Des photographies de Robert Mapplethorpe apparaissent de manière plus isolée. La galerie Thaddeus Ropac, qui représente le fond de l’artiste en Europe, ne présente qu’un tirage de sa série de fleurs, au milieu de peintures et de sculptures et d’œuvres par Robert Longo et Marc Quinn, qui se servent de la photographie comme point de départ. Longo s’inspire de plusieurs images de tigres pour créer son propre portrait de félin au fusain. Quinn part d’une photo de presse réalisée lors des émeutes en août dernier à Londres pour créer une peinture hyperréaliste : History Painting.

Diane Arbus, dont l’exposition vient enfin de s’ouvrir au Jeu de Paume à Paris, est la photographe dont on compte le plus grand nombre d’œuvres sur ce salon. La galerie Kicken (Berlin) fait un étalage des portraits les plus connus de l’artiste, dont les tirages ont été réalisés par Neil Selkirk et édités à 75 exemplaires. Sur ce stand, parmi les travaux de Dieter Appelt, Erwin Blumenfeld, Heinrich Kuhn, Lazlo Moholy-Nagy, Irving Penn, Thomas Ruff, et bien d’autres, on découvre deux très beaux petits formats d’Arbus qui ne sont pas typiques de son style et pour cela interpellent. Les amateurs d’architecture s’extasieront devant un accrochage étonnant de photographies miniatures par Fernand Léger, Charlotte Perriand et Pierre Jeanneau.

Mais c’est le galeriste de Cologne Thomas Zander qui l’emporte haut la main avec sa présentation d’une série de huit portraits de travestis, tous tirés par Diane Arbus elle-même entre 1959 et 1962. (Zander a du déplacer les tirages « vintage » à cause de l’intensité du soleil pénétrant le dôme en verre du Grand Palais. C’est un détail qui risque de causer des soucis pour certaines galeries à Paris Photo en Novembre prochain). Alors que son compatriote Kicken joue la carte de la profusion des tirages qui recouvrent chaque recoin de chaque mur, Zander, lui, présente un stand épuré, minimaliste, presque zen. Cela renforce la qualité des œuvres présentées. Les photographies de Diane Arbus, Lewis Baltz ou Mitch Epstein sont mises en valeur aux côtés des dessins et peintures exposés.

Les galeristes français Emmanuel Perrotin et Jérôme de Noirmont cultivent l’exclusivité avec leurs artistes et s’assurent d’être les seuls à proposer leurs œuvres. En photographie, Perrotin présente la dernière série de Sophie Calle intitulé « Douleur exquise », composée de photos et de textes imprimés sur tissus. De Noirmont dévoile les travaux récents des duos McDermott & McGough et Pierre & Gilles. Dans le cas de ces derniers, on voit bien que la maturité de leur œuvre passe par un éloignement progressif de la photographie pure pour se rapprocher de la peinture, de plus en plus présente. Cette nouvelle esthétique s’inscrit dans une continuité et n’empêche pas d’identifier chaque création à ses auteurs.

L’artiste américain Adam Fuss a toujours mis en avant le caractère chimique et scientifique de la photographie tout en cherchant à dépasser les codes graphiques classiques de la prise de vue. C’est lui qui accouche de l’œuvre photographique la plus surprenante de ce salon : un Daguerréotype mesurant 59,7 par 96,5 centimètres intitulé « The Space Between Garden and Eve ». Réalisé en 2011, il incorpore tout le savoir-faire photographique depuis la naissance de l’image reproduite et les qualités artistiques d’une œuvre majeure aboutie. On attend avec impatience sa prochaine exposition chez Cheim and Read (New York).

Matthew Marks expose une autre œuvre étonnante : un triptyque de tirages Fresson en couleur de Cy Twombly, un artiste pas forcément connu pour sa photographie. Cette suite d’épreuves a suscité l’intérêt de nombreux collectionneurs. Mais avec un prix de 225,000 euros, cela fait réfléchir.

La Galerie Tschudi (Suisse) présente quelques magnifiques tirages par Balthasar Burkhard. Les boîtes lumineuses de l’artiste multimédia coréenne KimSooja ont également provoqué la curiosité de tous.

Victoria Miro (Londres) consacre la quasi-totalité de son espace aux tirages modernes de Francesca Woodman, dont la force de l’œuvre demeure intacte. Encore une fois, on ne peut que regretter sa disparition.

Enfin, on s’étonne de ne voir aucune œuvre de Richard Avedon sur les murs de la galerie Gagosian. Celle-ci vient de signer un contrat d’exclusivité avec la fondation du photographe défunt. Selon Jean-Olivier Després, la galerie prévoit un très bel accrochage pour Paris Photo.

On a de quoi rêver en attendant ce rendez-vous prévu sous la même coupole du 10 au 13 novembre prochain.

Texte et photos Christophe Lunn

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