Directrice du Musée de l’Élysée à Lausanne (Suisse) depuis mars 2015, Tatyana Franck a dit dès son arrivée qu’elle valoriserait les collections de son institution. Un fonds hétéroclite, sans identité précise, mais qui recèle d’importants ensembles historiques. Dont acte : la première exposition de Tatyana Franck en tant que commissaire puise dans les réserves du musée, en particulier au rayon des pièces les plus anciennes. Mais pas pour les aligner sur les murs comme autant de trophées. «La mémoire du futur» instruit un dialogue entre les premiers procédés photographiques et les artistes qui tirent aujourd’hui parti des mêmes techniques archaïques.
C’est ainsi que des daguerréotypes, ambrotypes, ferrotypes, cyanotypes d’il y a un siècle ou davantage sont mis en regard d’images contemporaines obtenues avec ces savantes photochimies. Un papier ciré de Gustave Le Gray (1855) côtoie ceux de Martin Becka. Un cyanotype d’Anna Atkins (vers 1852) échange ses bleus avec ceux de Christian Marclay ou John Dugdale. Des daguerréotypes de Jean-Gabriel Eynard (années 1840) luisent comme ceux de Takashi Arai ou Patrick Bailly-Maître-Grand. Figurent aussi des images récentes obtenues avec une camera oscura. Ou un portrait de Dennis Gabor, l’inventeur du procédé holographique, disposé non loin d’une œuvre de James Turrell.
Réalisée avec soin, l’exposition a un intérêt pédagogique. Elle nous familiarise avec les prémisses d’une photographie qu’on n’appelait pas encore « analogique ». Elle propose aussi des réflexions sur les propriétés du médium, comme sa capacité à figer la durée ou à nourrir la mémoire. Oscar Munoz et Joan Foncuberta excellent dans l’exploration poétique de ces ontologies, quitte à les nier.
Mais l’intention de « Mémoire du futur » est clairement esthétique. C’est une exposition séductrice, tablant sur le puissant courant actuel de la nostalgie, de la matière, du tangible. Une tendance réactive, sorte de contrecoup aux impalpables combinaisons numériques. Lesquelles se jouent de cet élan passéiste en proposant des filtres vintage dans les applications photo des smartphones. Nombre d’images de l’exposition capitalisent sur cette envie de patine, de craquelure, de trace, souvent en se contentant d’un maniérisme superficiel.
Le propos se termine par la démonstration d’un projet de numérisation 3D des collections du Musée de l’Élysée. Réalisés par une start-up de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, ces fac-similés sur écrans tactiles permettent de scruter ou d’orienter dans l’espace un vieux daguerréotype et un collage de René Burri. Spectaculaire, mais aussi révélateur de la technophilie contemporaine. À part peut-être pour une plaque de cuivre réfléchissante ou un découpage photographique quel intérêt à ajouter une troisième dimension à l’analyse de la photographie, bidimensionnelle par excellence ? Mais il est toujours permis de se tromper.
EXPOSITION
«La mémoire du futur, dialogues photographiques entre passé, présent et futur »
Jusqu’au 28 août 2016.
Musée de l’Élysée
18 avenue de l’Élysée
1014 Lausanne
Suisse