Reportage en immersion dans la Maison de Solenn, une structure spécialisée qui offre aux jeunes adolescents des soins psychiques et somatiques souffrant de pathologies diverses comme la dépression, la boulimie ou encore l’anorexie. Patrick Grip a réalisé un travail rare de 4 années sur ces adolescents en souffrance. Patrick Grip est décédé l’an dernier, son travail est représenté par l’agence Signatures, Maison de Photographes.
Photographies : Patrick Gripe/Signatures
Texte : Benoît Baume
Neuf sujets sur dix atteints d’anorexie mentale sont des jeunes filles dont environ une sur deux cents risquent de contracter la maladie entre 11 et 20 ans. Cette psychopathologie extrêmement grave possédait, jusqu’à peu, un taux de mortalité équivalent à un tiers des patients. Depuis le 6 décembre 2004, la maison de Solenn, médiatiquement célèbre par l’action de Bernadette Chirac et Patrick Poivre d’Arvor, tous les deux confrontés personnellement à l’anorexie mentale, traite spécifiquement ces jeunes patients et propose des résultats spectaculaires avec un taux de décès largement inférieur à 5% malgré la prise en charge des cas les graves.
Outre l’anorexie mentale, la maison de Solenn prend en charge l’ensemble des pathologies spécifiques liées à l’adolescence, cet âge de transition de tous les dangers qui fait si peur aux parents. Véritable unité hospitalière avec vingt lits, la Maison des Adolescents possède aussi une fonction d’accueil et propose une thérapie qui inclut des activités comme la musique, la radio, le dessin, les cours de parfums, de maquillage, de cuisine ou de sport. Chacune participant à résoudre un aspect de la maladie au niveau psychique ou somatique.
Patrick Gripe a travaillé pendant quatre ans avec et sur la maison de Solenn. c’est la première et à priori la dernière fois qu’un photographe a pu travailler en profondeur, dans tous les services et sans tabou à l’intérieur de l’établissement.
Il a d’abord animé bénévolement un atelier de photographie auprès des jeunes patients avant d’obtenir l’autorisation de saisir les instants de vie qui se déroulaient derrière les grands murs de verres qui jouxtaient le boulevard du Port Royal.
La condition fixée, le pari selon les mots de Patrick : ne pas voir un visage. Lui l’a interprété au mieux de son travail de photojournaliste pour ne pas violer l’intimité, ne pas blesser, de pas rajouter de la souffrance là où il n’y a besoin que de soutien, tout cela sans tomber dans l’anonymat de la pathologie, la masse, le groupe, le tout.
Car ce sont bien des petites vies brisées qui tentent de retrouver le goût de la vie dont nous parlons, des histoires d’enfants en route vers l’âge adulte qui se sont perdus en chemin. L’intime se révèle donc premier et il ne s’agit pas de l’oublier.
Patrick a retranscrit cela de manière exceptionnelle dans ses images. Il a su gagner la confiance des médecins, du personnel, des psychothérapeutes, des infirmiers, des éducateurs et surtout des adolescents.
Il a terminé ce travail en septembre dernier, quelques jours avant de nous quitter tragiquement le 3 octobre 2010.
Ces images représentent son dernier travail d’auteur et de journaliste.