Commençons par le grand-père. Formé à l’Aéro-Club de France, Alfred Comte (1895-1965) était un pionnier de l’aviation en Suisse, co-fondateur de la compagnie Swissair. Il était aussi passionné de photographie aérienne. Sur le tard, il aimait montrer ses images à son petit-fils Michel. Par exemple des photos prises à l’été 1914 au-dessus des Alpes : on y voyait les amples masses de glaciers encore intacts.
En 2014, Michel Comte survole lui-même le massif alpin, en été. Ce qui était blanc sur les images de son grand-père était désormais presque noir. Il est depuis la fin des années 1970 un photographe de mode réputé, de Vogue à Vanity Fair, de campagnes pour marques prestigieuses à des portraits de célébrités. Né en 1954 à Zurich, Michel Comte a aussi collaboré à la Croix-Rouge et s’est occupé de sa propre fondation humanitaire. Il est depuis toujours sensibilisé à la gestion des ressources naturelles, en particulier l’eau.
En 1986, Michel Comte passe quelques mois au Tibet. Un jour, il rencontre un groupe de Chinois dans un monastère. « Nous avons engagé la conversation », explique le photographe par téléphone depuis Zurich, où il vient de se réinstaller après avoir longtemps vécu aux Etats-Unis. « C’étaient des scientifiques. Ils m’ont dit que la Chine n’était pas au Tibet pour des raisons politiques ou religieuses. Mais parce que la région était la réserve d’eau de leur pays. Et que cette réserve serait un jour, dans 20 ou 25 ans, menacée par un phénomène climatique : la fonte des glaciers. »
Dès ce moment, en parallèle à son travail dans la mode et la publicité, Michel Comte entreprend de documenter la situation des géants de glace. Dans les Alpes, l’Himalaya, la Colombie-Britannique, les Andes, le Spitzberg. En trente ans d’observations, il a constaté leur recul, d’abord lent, puis rapide, désormais alarmant.
Aujourd’hui, Michel Comte a presque totalement abandonné la photo de mode et de stars. Il s’est tourné vers l’art contemporain. Il expose actuellement ses images de glaciers au musée Maxxi de Rome, avant de participer dès le 28 novembre à la Triennale de Milan. Il ne s’inscrit pas dans la tradition de la photo de paysage, ou documentaire, mais alterne les plans larges et serrés, les détails et les retouches, le noir & blanc et la couleur, parfois en grande nappe abstraite. C’est une approche émotionnelle, esthétique, aussi imprévisible que les conséquences du changement climatique.
L’exposition comporte du mapping video, de la sculpture, des sons, des installations, comme ces petites montagnes en glace qui fondent dans une vitrine. Elle n’a d’autre ambition que de sensibiliser, par l’art, les visiteurs à une menace toujours plus inquiétante. Son titre est Light, comme la ressource première de la photographie. « Et parce que je reste une personne optimiste », conclut Michel Comte.
Luc Debraine
Luc Debraine est journaliste culture et société. Il vit et travaille à Lausanne, en Suisse.
Michel Comte, Light
Du 14 novembre au 10 décembre 2017
MAXXI, Museo nazionale delle arti del XXI secolo
Via Guido Reni 4A
00196 Rome
Le livre Michel Comte, Light est publié aux éditions Steidl
98€