Paris est une capitale arabe. Jack Lang, président de l’Institut du Monde Arabe, le pense aussi. Il va donc de soi que la biennale des photographes du monde arabe contemporain s’y déroule. Du 13 septembre au 12 novembre 2017, huit lieux sont investis. L’Institut du Monde Arabe, la Maison Européenne de la Photographie, la Cité Internationale des Arts, la mairie du 4e arrondissement de Paris et les galeries Binome, Clémentine de la Féronnière, Photo12 et Thierry Marlat. Les regards des photographes arabes et « des étrangers » se croisent sur ce territoire aux multiples identités. Un focus spécial cette année à l’Algérie et la Tunisie.
Des mosquées abandonnées découvertes sur la route de Médine par Moath Alofi, interrogeant la place de ces édifices dans l’espace public saoudien aux cinémas désaffectés capturés par Stéphane Zaubitzer et les architectures oubliées d’Egypte de Xenia Nikolskaya, l’abandon est un point de repère des photographes qui arpentent la région. Lieux délaissés, ces images hantent les esprits. Elles questionnent l’histoire. Comment ce passé se conjugue-t-il aujourd’hui avec le présent ? Dans un registre proche, Marco Barbos s’intéresse quant à lui au vide. Le vide en tant que lieu d’un possible évènement, d’un scénario possible. Une scène où tout peut se passer, (où rien ne se passera).
A côté de ces espaces désertés, se croisent des regards. De la présence humaine, des corps en action qui se touchent ou s’évitent. La jeunesse se dévoile. Particulièrement, d’Algérie ou de Tunisie. Les photographes documentent leur lieu de vie, leur environnement, leur quotidien Les identités sont multiples mais les points de convergence nombreux. D’un projet à l’autre, le même bouillonnement, des interrogations similaires. Peu d’esthétisme et d’exotisme mais une envie de dire et de raconter la réalité tel quel est. Youcef Krache, Abdo Shanan, Yanis Kafiz, Ramzy Bensaadi, Ahmed Badreddine, Mehi Boubekeur et Tasneem Aslsultan, pour ne citer qu’eux, nous font traverser la région dans les yeux et parfois, au dos de la population.
Le monde arabe commence tout juste à se réapproprier son territoire à travers l’image. Chaque pays, à son rythme. L’Arabie Saoudite n’est qu’à ses premiers balbutiements tandis que le Liban et en particulier Beyrouth a déjà été capturée sous toutes ces coutures. L’artiste visuelle libanaise Randa Mirza offre pourtant, à travers des mises en abyme d’affiches publicitaires encadrées dans leur espace réel, un nouveau regard sur sa ville. Ses images ouvrent un nouveau champ d’exploration et de réflexion, tout comme cette biennale encore à ses débuts.
Sabyl Ghoussoub
Sabyl Ghoussoub est journaliste et photographe et a été entre 2011 et 2015 directeur du festival du film Libanais à Beyrouth.
Deuxième biennale des photographes du monde arabe
13 septembre – 12 novembre 2017
Paris, France