Léon Constantiner n’est pas un collectionneur de Newton, c’est un obsédé des images d’Helmut. Il en a acquis 560, les plus belles, les plus importantes, les plus inattendues. Il y a 3 ans, Helmut étant mort et Léon ayant changé de vie, il a tout vendu chez Christies. A l’occasion de la rétrospective du Grand Palais, il a donné à La Lettre, 100 de ses chefs-d’oeuvre. Il a ajouté ce texte qu’il a écrit en hommage à cet homme qu’il aimait.
« Beaucoup rêvent, quand ils sont enfants, de pouvoir rencontrer leurs héros.
Ces héros peuvent être des personnages fantastiques venus de lointaines planètes, de mondes inconnus, avec des supers pouvoirs magiques qui peuvent sauver l’humanité du désastre.
Sans aucun doute, nous avons tous nos héros, des gens que nous admirons, qui nous inspirent, et dont nous souhaiterions posséder les « supers pouvoirs ».
Certains, quand ils ont enfin l’occasion de rencontrer leurs héros, sont déçus parce qu’ils réalisent qu’ils ne sont pas comme ils l’espéraient. Leurs rêves se désagrègent.
D’autres enfin, les pires de tous, arrêtent d’avoir des héros. Ils cessent de rêver, sans réaliser que celui qui arrête de rêver arrête aussi de créer, étouffe sa part d’enfance. Ce sont des gens bien tristes.
J’ai eu la grande chance de pouvoir rencontrer Helmut Newton ; il était lui-même un enfant, il n’avait jamais cessé de rêver, lui, le « Maître », avait toujours des héros et des personnes qu’il admirait.
Aussi GRAND et EXTRAORDINAIRE qu’il fut, il était assez humble pour admettre qu’il aimait le travail d’autres GRANDS photographes.
Il admira également la manière dont je collectionnais son travail. Il me fit me sentir GRAND. Il me montra son côté humain et attentionné.
Il comprit la passion et la dévotion que je mettais à rassembler, archiver, et montrer son travail. Il respecta le fait que je sois discret, que je ne me vante pas de mes trésors, même au sein de cercles réduits, où les gens se référaient à moi comme « le plus grand collectionneur de son travail dans le monde ».
Nous avions une admiration mutuelle l’un pour l’autre. À la différence près qu’il était et est toujours mon HÉROS, que je collectionnais son travail, que j’admirais sa créativité, son talent, son inventivité et qu’il EST réellement l’un des plus grands génies de la photographie de tous les temps.
Peut-être que je l’admire parce qu’il a photographié les plus jolies femmes ou pour les mises en scène qu’il inventait pour ses photos. Peut-être parce qu’aussi GRAND qu’il fut, il ne se sentait à l’aise qu’en jean, veste en cuir et baskets.
Un homme extravagant aux besoins modestes, au talent sans limite, et au sens de l’humour baroque, peut-être noir, peut-être excentrique, mais certainement pas dénué de sensualité.
Un tempérament explosif mais chaleureux. Impétueux mais ayant la patience nécessaire pour réussir le cliché parfait et en réaliser le tirage. J’imagine que les génies sont comme ça. Nous les voyons, nous les admirons, mais nous avons du mal à les comprendre ou à nous les expliquer.
Il me manque douloureusement. Le monde a besoin de plus d’Helmut Newton, mais il était LE SEUL ET UNIQUE. »
Léon Constantiner