Recueil de 80 photographies peintes à la main, Album, le premier livre d’Eloïse Labarbe-Lafon, publié chez Cé éditions, nous plonge dans l’univers mystérieux et nostalgique de la photographe française.
Sur la couverture rouge, un médaillon laisse entrevoir un œil de biche surplombant une moue, carmin elle aussi. Plus bas, les lettres reprises d’un livre du 19e siècle forment un titre à l’élégance Art Nouveau. Entre ses pages, des tirages argentiques noir et blanc ont été colorisés à la main. L’ouvrage est porté par un décalage troublant entre des silhouettes et sujets contemporains et le traitement ancien dont ils font l’objet.
Des corps nus ou déguisés posent lascivement dans la nature ou dans des intérieurs feutrés. Ils portent des perles et des parures évoquant autant Pierrot et Alice qu’un charro mexicain. Fleurs, paysages et natures mortes ponctuent ces portraits poétiques et contribuent au silence qui nourrit l’atmosphère de solitude du livre. Rehaussé de touches roses, bleues et parfois jaune, le tout forme un ensemble d’une grande douceur, un conte onirique aux héros et héroïnes perdus entre notre temps et l’époque victorienne.
Les influences d’Eloïse Labarbe-Lafon sont nombreuses. Elle cite autant le pré-raphaélisme et les photographies vaporeuses de Julia Margaret Cameron que les cartes postales colorisées nées avec le XXe siècle. Sa formation en restauration de film nous éclaire quant à elle sur son amour du cinéma expérimental, que l’on peut lire sur certaines des images kaléidoscopiques du livre. Elle en dit long également sur l’importance geste, de l’intervention de la main et de l’artisanat. La photographe n’hésite pas à poser son pinceau pour peindre un cliché au doigt. Elle a par ailleurs suivi une formation de vitrail au Mexique, qu’elle utilise pour l’encadrement de ses tirages.
Bien qu’imprégné de photographie ancienne, Album est pour Eloïse Labarbe-Lafon le miroir de sa « propre réalité » et des questions qui l’animent. La photographe joue avec les visages qui tantôt se rencontrent, se cachent, se dédoublent ou se fragmentent, à la manière d’une identité en formation. Le conte d’antan se mêle à l’autobiographie pour former un objet délicieusement anachronique.
Zoé Isle de Beauchaine
Eloïse Labarbe-Lafon – Album
Cé Editions, 2023
128 pages
French / English
ISBN: 978-2-493545-07-7
55€
Disponible dans les bonnes librairies ou en ligne.
