Réalisé entièrement à la main, Journal des Mines, le troisième livre d’artiste du photographe Elie Monferier, est une réflexion autour de « l’empêchement » et la manière dont la mémoire industrielle peut façonner un paysage.
Invité en résidence de création dans la vallée ariégeoise du Couserans en novembre 2022, Elie Monferier apprend l’existence, tout proche, de la mine de Bulard, la plus haute d’Europe, située à 2700 mètres d’altitude. Après maintes préparations, la découverte de la mine est empêchée par des chutes de neige. Le photographe n’y accèdera finalement pas.
Cette première déception le mène à explorer la vallée du Couserans dont la terre riche en métaux en fait un haut lieu d’extraction minière depuis l’Antiquité romaine jusqu’à la fin des années 1980. À nouveau, il se heurte à l’inaccessible : « Pendant deux semaines je me suis rendu dans des endroits que l’on m’indiquait comme étant une ancienne mine mais le plus souvent, arrivé sur place, je ne trouvais qu’un grille scellée pour raisons de sécurité ou un site sur lequel la nature avait repris ses droits. »
L’expérience d’Elie Monferier se meut rapidement en une « confrontation à l’échec, au silence et à l’absence ». Alors qu’il pensait aller à la rencontre de miniers, le photographe ne croise aucune âme. Seul face à ces paysages sauvages, il oriente sa réflexion vers la nature et la manière dont cette mémoire minière pratiquement tombée dans l’oubli continue malgré tout de dialoguer avec le visible.
De la couverture en cuivre destinée à s’effacer, aux photographies coupées en deux car imprimées de part et d’autre des pages, en passant par le texte caviardé et les images d’archives des miniers imprimées dans le creux des pages non massicotées pour en compliquer la lecture : chaque détail du livre a été pensé autour de cette tension entre, d’un côté, les frustrations vécues par le photographe dans ses tentatives d’appréhension du territoire et, de l’autre, le souvenir minier.
Celui-ci plane sur l’ensemble du livre dont les photographies baignent dans une atmosphère fuligineuse. Imprimées sur un papier recyclé absorbant particulièrement les couleurs, ces paysages désolés, capturés dans la lumière métallique des Pyrénées, semblent couverts d’un voile de suie : les dernières traces d’un passé minier s’estompant chaque jour un peu plus…
Zoé Isle de Beauchaine
Elie Monferier — Journal des Mines
50 exemplaires faits à la main par l’auteur
Couverture en cuivre
18×24 cm
112 pages
109 photographies
390 euros