Pour L’Œil de la Photographie, les livres photographiques comptent autant qu’une exposition ou un portfolio. Ils font l’histoire et l’actualité du médium. Notre correspondante Zoé Isle de Beauchaine porte un regard inlassablement curieux et averti sur les dernières parutions.
Depuis plusieurs années, Caroline Corbasson observe le ciel et l’espace par le biais du dessin, de la sculpture et de la vidéo. Inspirée par les instruments d’astronomie, la plasticienne française tente de répondre aux questions universelles sur la place de l’Homme au sein de l’univers. Elle publie Heat chez Area books, un détournement poétique d’archives spatiales oubliées, mené avec le photographe Andrea Montano.
En 2019, lors d’une résidence au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, Caroline Corbasson découvre une boîte remplie de négatifs, tirages et plaques de verre d’observation datant des années cinquante à quatre-vingt-dix. Destinés à être détruits ou jetés, ils lui échoient finalement quelques mois plus tard.
Commence alors un travail expérimental autour du tirage de ces négatifs noir et blanc, auxquels le duo Corbasson-Montano décide d’ajouter des couleurs. Évoquant les températures extrêmes de l’espace, celles-ci varient du rouge, couleur des planètes les plus froides, souvent en déclin, au bleu, qui indique une chaleur à son apogée.
L’ouvrage est construit autour de cette variation thermique et chromatique. Les archives du laboratoire marseillais se déploient au fil des pages, ponctuées de feuillets rouges, roses, violets puis bleus. Dénuées de légendes, ces images de constellations ou de poussières d’étoiles perturbent notre sens de l’échelle, ne nous laissant jamais certains de ce que l’on regarde. De documents scientifiques, elles deviennent œuvres abstraites d’une grande force esthétique et poétique.
En travaillant autour de cette série, Caroline Corbasson découvrait la pratique du tirage argentique, qui s’est révélée être en résonance avec son intérêt pour le cosmos : « Ce qui est intéressant avec le labo c’est d’être dans le noir complet. Cela entraîne une véritable perte de repères, il faut mémoriser chaque geste et l’emplacement de chaque élément. J’avais l’impression assez mystique d’être dans l’espace.»
L’apparition de l’épreuve dans le révélateur fait quant à elle écho à la découverte par les scientifiques, puis le public, d’une nouvelle image envoyée par les télescopes depuis l’espace. C’est l’effet qu’ont certainement produit ces archives en leur temps. Transformées par Caroline Corbasson et Andrea Montano en superbes poèmes visuels, elles sont aussi un hommage au travail précurseur des astronomes marseillais depuis les années 1960.
Caroline Corbasson et Andrea Montano – Heat
Publié aux éditions Area Books, 2023
320 x 240mm
Texte : Luce Lebart
Direction éditoriale : Bureau Kayser
Graphisme : Syndicat
Traduction Jeffrey Zucherman
Publié grâce au soutien de la Fondation Antoine de Galbert
Disponible en librairies et en ligne