Alain Delon à Saint Tropez en aout 1966.
Il avait la gentillesse d’accepter de poser pour moi, bien que ce ne fût pas son exercice préféré. Avec lui, le secret était donc d’aller très vite.
Mais avec son physique, ce n’était pas difficile. (Il faisait partie des rares personnes qu’on pouvait photographier de trois-quart arrière sans l’enlaidir. Essayez vous verrez, moi je l’ai fait, ma tronche frise la gargouille.) Mais il fallait faire vite car il donnait l’impression d’espérer avec impatience la fin de cet intermède sans intérêt. Rarement passionné par l’instant présent, il préférait le projet à venir, le coup d’après, l’espoir impossible, pressé d’en finir avant d’avoir commencé. C’est fou ce que les journaux auront mal compris Alain, mélangeant souvent ses rôles au cinéma avec sa vie personnelle. Contrairement à ce que beaucoup pensaient, ce n’était pas un voyou qui rêvait d’être un prince, c’était plutôt un prince qui comprenait les voyous.
Lorsque la maison Dior a décidé d’utiliser cette photo pour « Eau sauvage », c’est Alain qui l’a choisie entre mille autres, je lui en serai toujours reconnaissant. Et ils ont eu la bonne idée de la passer en noir et blanc. Si une majorité de mes photos sont en couleur c’est parce qu’elles étaient destinées à un public de jeunes gens. Elles ornaient les murs des adolescents qui, vivant un peu partout en France, ne pouvaient pas « monter » à Paris. Ils rêvaient de spectacle pour décorer leurs chambres, je n’allais pas leur infliger du noir et blanc. J’ai toujours pensé que la photographie en couleur était plus difficile, plus risquée, il faut beaucoup de chance pour qu’elle ne se démode pas. Le noir et blanc fait tout de suite plus classique.
Un conseil : si vous voulez vite passer pour un « grand photographe », faites du noir et blanc, à tous les coups vous serez considéré par la crème du milieu…
Jean-Marie Périer