Vivienne Westwood. Londres. Mars. 1994.
À elle toute seule, elle résumait dans ce qu’il est convenu un peu bêtement d’appeler le « Swinging London » une certaine élégance voisine de la scène dite « rock ». Mais elle était beaucoup plus que cela. Reine de la culture urbaine, avec son compagnon Malcom McLaren elle avait ouvert une boutique, le « Paradise Garage », qui devint la tête de pont de l’attitude « punk », insolence très en vogue dans la Grande-Bretagne des années 70. Bref elle appartenait au cercle très fermé de ceux qui font la mode.
Il était prévu de la retrouver dans le musée de la Wallace collection en plein centre de Londres. Le directeur de l’établissement nous avait accueilli avec la distante politesse des gens de ce pays. Néanmoins il fallait faire vite, j’installai donc un éclairage sommaire. Lorsqu’elle vint s’installer dans la robe de son choix, j’étais prêt. C’est alors que très naturellement, le compagnon de Vivienne arriva nu dans la pièce pour se placer aux pieds de sa belle. Ni l’équipe ni moi n’étant prévenu je jetai un œil inquiet vers le responsable des lieux. En digne représentant de la chère Albion, ce dernier ne broncha pas. Il faut dire que le respect qu’elle inspirait là-bas interdisait toute limite à ses extravagances. Je ne bougeai pas non plus un cil, bien que l’arrivée d’un homme à poil dans un musée en plein centre de Londres m’eût vraiment pris par surprise. Je pris la photo puis nous retrouvâmes la rue afin de continuer la séance prévue pour le journal, ceci bien sûr sans manifester le moindre étonnement quant à la scène passée. Je pense que ne serait-ce qu’évoquer cette scène auprès de Vivienne lui aurait paru de la plus grande vulgarité. Je ne peux néanmoins m’empêcher d’imaginer que la même situation chez nous, à Guimet ou Orsay, eût sans doute provoqué une réaction très différente. Pour ce qui est de l’originalité, les anglais auront toujours sur nous une longueur d’avance.
Jean-Marie Périer