La(B) Galerie Artyfact entre Voyage(s) et Intimité(s)
Si il y a des lieux attendus et prévisibles dont on sait d’instinct qu’ils adopteront la marche à suivre, il y en a d’autres qui détonnent et surprennent par leur goût du risque. La(B) Galerie Artyfact, prononcer « lab », dédiée aux nouveaux visages de la photographie contemporaine, appartient à ceux-là. Loin des acceptions aseptisées d’un White Cube éventé, la jeune galerie, elle, prend des allures de laboratoire. Miroirs, moquette « concessionnaire », plafond en damier, cartels développés sous plexi, mobiles, projections et bout de ficelles plantent le décor de ce foyer parisien duquel semble émaner une nouvelle façon de concevoir l’image. La photographie n’y est plus lustrée mais bien remodelée, pour ne pas dire ébranlée, quand le photographique, lui, jouit de tous ses possibles.
Formidable précipité d’idées et de formes, la galerie rassemble les conditions d’expérimentation du médium photographique en le soumettant aux spécificités de supports pour le moins inexplorés. En réintégrant le collectif à sa démarche, qui a longtemps permis aux galeries d’être partie tenante des avant-gardes en train de se faire, la(B) galerie propose chaque mois à une dizaine de photographes, plasticiens et parfois vidéastes de travailler autour d’un thème à partir d’un support spécifique et enfin, de proposer une mise en commun de ce matériau de recherche. Intimité(s), puis Voyage(s) résultent d’une scénographie alchimique où le médium exposition se livre brut. De l’impression sur papier calque de Gaëlle Abravanel aux mobiles carrés suspendus par des fils de Carine Burkel, en passant par les grandes impressions de Catherine Merdy ou d’Alexandre Dupeyron, ou bien encore par les tirages sous plexiglas d’Estelle Zolotoff, tous les supports susceptibles ou non de « supporter » durablement l’image sont ici conviés sous les traits de l’installation. La vitrine aussi, participe de cette proposition de montrer « l’image autrement » et donne le la en misant sur des effets de lumière et de transparence. Le calque d’abord, puis un triptyque conçu par l’artiste Annakarin Quinto, reprend l’idée zen des panneaux japonais et habille les lieux d’une douce opalescence.
Pour Voyage(s), l’équipe semble prouver sa détermination à sans cesse repousser les limites du médium. Une valise duchampienne emplie de tirages contrecollés nous accueille. Puis, c’est une succession de jubilations plastiques qui se juxtaposent les unes aux autres : impression sur papier peint ou sur fond de papier d’archi noir et blanc, sculptures et accrochages sur bois, carnets moleskine dépliés en accordéon, clichés épinglés à même le mur et boite lumineuse conçue spécifiquement pour l’exposition. L’importance du texte, particulièrement prégnant dans le travail de CATH.AN joint à la présence d’objets insolites, on pense ici aux étonnantes boîtes médicinales des Héliotropes de Laurent Villeret, souligne, à grand renfort de créativité, cette volonté de se situer au confluent des disciplines. Continuellement en quête de dispositifs formels singuliers, ce plateau force les regards croisés à rester en suspend le temps de l’exposition. Il n’est pas exclu qu’elle poursuive son dessein au contact du temps et du public. D’ailleurs le rendez-vous est pris chaque jeudi soir, lorsque l’espace laisse le champs libre à des évènements pensés autour de l’art vivant et de l’art thérapie. Pour chacune de ses expositions, la galerie propose également l’édition d’un livret en tirages limités faisant office de mémoire vive.
Après les sulfureuses manifestations proposées par le BAL cette année, tout ceci ne serait-il pas le signe de ce qui pourrait bien être en phase de devenir un épiphénomène ? Le creuset d’une nouvelle expression photographique aurait élu domicile dans le XVIIIème arrondissement de Paris, non loin de la Place Clichy et serait prêt à pousser le vice jusqu’à repenser les principes immanents au statut photographique. Avec force, bon gré mal gré, la(B) galerie a d’autres plans pour l’avenir de la photographie quand les prix des ventes de tirages vintages, en salles comme en foires, ont tendance à s’envoler.
Fanny Lambert
Actuellement :
Voyage(s)
Avec : Gaëlle Abravanel, Juliette Agnel, Cath.An., Eric Bouttier, Alexandre Dupeyron, Marine Lecuyer, Annakarin Quinto, Tilby Vattard, Laurent Villeret, Cyril Dunn, Magali Joannon, Michel Castermans, François Régis Durand
Exposition du 06 Juin au 06 Juillet 2013
Précédemment :
Intimité(s
Avec : Gaëlle Abravanel, Katrien De Blauwer , Eric Bouttier, Cath.An., Carine Burkel, Gaële Caye, Laurent Deglicourt, Christophe Dentin, Sabrina Lesert, Catherine Merdy, New Factory Paris, Remy Weite, Estelle Zolotoff
La(b) Galerie ArtyFact
9 rue Forest
75018 Paris
France
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