La Fondazione MAST, à Bologne, présente les œuvres de la bourse MAST Photography sur l’Industrie et le Travail, avec Sheida Soleimani (lauréate de cette 8ᵉ édition), Felicity Hammond, Gosette Lubondo, Silvia Rosi et Kai Wasikowski. Tous âgés de moins de 35 ans, ces talents émergents ont été sélectionnés parmi 42 candidats du monde entier. Chacun d’eux a interprété et exploré le thème du concours à travers des projets inédits et originaux.
Comme l’explique le commissaire Urs Stahel, « les finalistes du MAST Photography Grant de cette année parcourent un large champ de l’industrie, s’en éloignant parfois considérablement. Pourtant, leurs œuvres y restent liées et sont finalement intimement imbriquées avec l’industrie ». Il ajoute que le concept d’industrie « est difficile à concevoir à une échelle humaine. Les thèmes classiques de l’industrialisation et de la photographie industrielle sont les usines, les ouvriers, les machines et le travail à la chaîne. Pourtant, l’industrialisation est un phénomène hautement complexe et va bien au-delà. Elle est devenue une nouvelle société, une nouvelle manière de vivre, un nouvel état d’esprit : un système qui embrasse l’ensemble de l’existence humaine ».
Et c’est un phénomène en perpétuelle évolution, dans lequel chacun se reflète en fonction de sa propre sensibilité, de sa mémoire et de son expérience, à l’image des reflets changeants de la sculpture d’Anish Kapoor à l’entrée du MAST. Ainsi, dans les projets de cette année, réalisés par de jeunes auteurs dotés d’une solide formation photographique et artistique, les grandes machines et les usines ne sont pas explicitement représentées, mais leur présence est perceptible. De manière plus large, l’industrie culturelle est représentée sous forme de mémoire et se lit dans la superposition des thèmes : la nostalgie du passé et, en même temps, un regard tourné vers un avenir d’engagement.
Le projet Flyways de Sheida Soleimani tisse plusieurs récits qui suivent les voies d’évasion d’« un monde régi par la destruction de la vie humaine et non humaine », dit-elle. Les différents niveaux narratifs racontent « les histoires des femmes du mouvement Women, Life, Freedom et celles des oiseaux migrateurs blessés après des collisions avec des structures artificielles. C’est un projet qui explore l’émergence de nouvelles pratiques médicales, esthétiques et éthiques de réparation ».
Sheida Soleimani est une artiste irano-américaine, enseignante et militante basée à Providence, dans le Rhode Island. Fille de réfugiés politiques ayant fui l’Iran au début des années 1980, elle explore dans son travail les violences historiques qui relient l’Iran, les États-Unis et le Moyen-Orient. À travers divers médiums (photographie, sculpture, collage et film), elle détourne souvent des images issues des médias populaires et numériques pour les insérer dans des mises en scène déconcertantes, créant ainsi de nouvelles connexions.
Avec Imaginary Trip III, Gosette Lubondo plonge dans l’histoire de son pays en représentant sa mémoire et son présent à travers des images de structures coloniales en République démocratique du Congo. Ce pays, riche en matières premières, possède une histoire complexe liée au colonialisme et à son développement industriel. Lubondo crée une vision poétique et ambivalente du pays, une vision émique, c’est-à-dire de l’intérieur. Elle utilise son appareil photo pour explorer les strates et les héritages de la mémoire coloniale et postcoloniale, photographiant des structures emblématiques des années 1960, aujourd’hui abandonnées, vestiges d’un rêve brisé. Par le biais de la surimpression, elle insuffle à ses images une touche surréaliste. Lubondo rencontre des travailleurs et d’anciens ouvriers, elle met en scène le passé pour raviver le genius loci.
Une carcasse de voiture, des jantes en alliage… Si le lien entre le projet de Felicity Hammond et le monde industriel est évident (il explore les nouvelles relations entre le passé et l’avenir de la production automobile et minière), son lien avec la photographie n’est pas immédiat. Pourtant, Anonimous Body est une synthèse d’images de carrières de lithium et de mines de charbon, de scanners et d’imprimantes 3D, ainsi que de films hydrographiques pour Dark Adaptation. « Sans oublier les systèmes des voitures qui scannent et identifient leur environnement », explique-t-elle.
La série de Kɔdi, de Silvia Rosi, comprend une série de portraits et d’autoportraits inspirés des histoires des Nana Benz, des femmes puissantes du Togo qui contrôlaient le commerce des tissus imprimés à la cire et ont joué un rôle clé dans l’indépendance du pays vis-à-vis de la puissance coloniale. Rosi s’inspire du style des portraits de studio africains, qu’elle utilise pour « créer des décalages temporels et faire se croiser le passé et un présent incertain ». Elle joue également sur la dissimulation, en intégrant la figure au décor grâce à l’utilisation du négatif, jusqu’à la faire presque disparaître.
Mémoire, nostalgie et ouverture vers l’avenir sont aussi au cœur du projet The Bees and the Ledger, de Kai Wasikowski. Son point de départ est sa grand-mère, une immigrée polonaise en Australie dans les années 1970, dont la formation professionnelle acquise dans son pays d’origine n’a pas été reconnue. Cette dispersion des compétences est une réalité fréquente dans les flux migratoires. Ses images forment une mosaïque de fragments : la matérialité du monde y est mise en contraste avec l’abstraction, et la vie sociale est représentée métaphoriquement à travers le soin que sa grand-mère porte à sa colonie d’abeilles.
Le catalogue, dirigé par Urs Stahel, comprend des contributions de Clément Chéroux, Charlotte Jensen, Kim Knoppers, Bindi Vora et Stanley Wolukau-Wanambwa. Il est publié par la Fondazione MAST.
MAST PHOTOGRAPHY GRANT ON INDUSTRY AND WORK 2025,
8e édition
Du 30 janvier au 4 mai 2025
Fondazione MAST
via Speranza 42
40133 Bologna (BO)
Italie
https://www.mast.org