Lauréat de la bourse Pierre et Alexandra Boulat en 2013 grâce à Suburbia, un travail en immersion dans l’intimité des banlieues parisiennes, Arnau Bach présente le début de son nouvel opus consacré aux quartiers de Marseille. Capitale est exposé à la galerie Cosmos.
Fin 2005, après l’embrasement général des banlieues françaises, le préfet de région Christian Frémont, pour expliquer le calme relatif régnant dans la cité, déclara « qu’à Marseille, il n’y a pas de banlieue, nous sommes tous Marseillais ». C’est en partie vrai, Marseille n’est pas un lieu de mise au ban, où l’on se sentirait assigné à résidence, même si on y expérimente aussi le sentiment d’exil. Marseille est une ville de passage, même si les “passants” peuvent s’y éterniser toute une vie… Marseille est une ville dure, tendue, secrète, toujours en mouvement. On ne peut la résumer à quelques clichés de jeunes apparemment oisifs au pied d’un immeuble. Ici, quand les jeunes des quartiers “descendent en ville”, ils ne sont pas regardés comme des Indiens échappés de leur réserve. Le centre-ville, encore très populaire, leur évoque bien plus le bled et les origines de leurs parents que la clinquante galerie marchande qu’est supposé être en France un “cœur de ville”. Ici, les lignes de la ségrégation traversent l’espace urbain de façon diffuse, comme en contrebande.
On ne peut pas comprendre Marseille sans tourner le regard vers les ports, vers l’histoire ouvrière de cette zone de plusieurs centaines d’hectares aujourd’hui vouée, avec le projet Euroméditerrannée, à une des plus vastes opérations immobilières lancées en Europe. Derrière le décor du nouveau quartier d’affaires de la Joliette, à deux pas des buildings de bureaux, persistent des rapports sociaux où se mélangent cette culture ouvrière et les cultures des anciens colonisés, le chômage de masse avec des mentalités pré-industrielles, la vitalité du bazar avec les réseaux clientélaires, les trafics de subsistance avec l’énergie brute d’adolescents désœuvrés … Si la « mondialisation par le bas » dont parle Alain Tarrius devait se trouver une capitale, Marseille pourrait disputer ce titre à quelques autres ports méditerranéens. Capital compose une mosaïque où transparaitront toutes les contradictions de Marseille : le port et son déclin, le passé colonial, la désindustralisation, l’économie informelle mais pas toujours illégale, les paumés et les rues sans soleil …
EXPOSITION
Capital, d’Arnau Bach
Jusqu’au 29 mars 2015
Cosmos Galerie
56, boulevard de la Tour-Maubourg
75007 Paris
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