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Krix et Rabih Ibrahim, lauréats du Beirut Photo Marathon

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Documenter la ville en confrontant le regard des photographes, tel est le but de cet événement baptisé Beirut Photo Marathon, organisé depuis deux ans à Beyrouth au Liban. L’Œil de la Photographie vous dévoile les deux lauréats de l’édition 2014 :  Krix et Rabih Ibrahim. En septembre dernier, les rues de Beyrouth, la capitale libanaise, ont été envahies le temps d’une demi-journée par une horde bien singulière. Armés d’appareils photos, 95 passionnés se sont prêtés au jeu de cette compétition.

Les organisateurs de l’évènement ont choisi d’annoncer le nom des deux vainqueurs du jury via L’Œil de la Photographie. Il s’agit de Krix et de Rabih Ibrahim. Leurs séries de douze photos sont à retrouver dans notre diaporama. Ils ont été récompensés pour leur technique, leur créativité et l’apport de leur série à la documentation de ce qu’est Beyrouth aujourd’hui.

Krix : « Quand je prends des photos, j’essaye toujours de raconter des histoires. Mon but n’est pas seulement d’immortaliser l’instant, j’essaye de comprendre ce que les gens ont voulu me montrer d’eux. J’aime la photographie de rue. Mais le défi avec le Beirut Photo Marathon, c’était la contrainte des douze heures. Normalement, je prends mon temps, je capte un instant. Ici, je devais gérer les déplacements et réfléchir à l’histoire que je voulais raconter dans un temps donné et dans un espace géographique assez étendu. » Son matériel : un Canon 1D Mark 4.

Rabih Ibrahim : « J’ai tenu à participer à ce marathon car en ce moment, il est très compliqué de prendre des photos dans Beyrouth. Les gens sont suspicieux. C’était l’occasion de me promener dans la ville sans avoir à répondre à trop de questions. J’ai choisi le noir et blanc pour illustrer les douze thèmes, car selon moi, Beyrouth est fantastique en noir et blanc. Et cela permet également de souligner des détails invisibles en couleurs, en les faisant ressortir par contraste. La photographie est une passion, à mi-chemin entre les deux sujets de mes études : l’architecture et la réalisation. » Son matériel : un Olympus SZ 20.

Lors de ce marathon, photographes amateurs et professionnels ont douze heures pour présenter des clichés illustrant douze thèmes imposés. On y trouvait pêle-mêle pour l’édition 2014 : “main”, “mère”, “illusion”, “ma vie”, “balcon”, “odeur”… Les images publiées sur la plateforme web de l’événement le 16 novembre donnent à voir une Beyrouth éclectique ; loin des clichés habituellement véhiculés sur cette ville tantôt hantée par la guerre civile qui dura de 1975 jusqu’au début des années 90, tantôt icône des folles nuits libanaises. C’était d’ailleurs le but recherché par les créateurs du Beyrouth Photo Marathon, Ali Sayed-Ali et Maroun Sfeir : « Nous souhaitons par ce projet documenter la ville. Montrer ses contrastes, et les différentes manières de la percevoir. » Ainsi les photographies illustrant le thème “rituel” évoquent tour à tour des madones pieuses, le café du matin, un cours de danse traditionnelle, une partie de pêche sur la corniche qui longe la mer ou deux joueurs lancés dans une partie effrénée de backgammon.

Les techniques utilisées sont diverses ; noir et blanc, flou, jeux de lumières et transparence. Les photographes du jour se laissent parfois aller à la métaphore ou livrent une réalité brute. Pour Wissam Andraos, récompensé par le prix du jury lors du premier marathon, l’expérience a été jubilatoire : « Beyrouth est la ville des contradictions. Elle est en perpétuel changement, et moi aussi je vis ces contradictions : l’amour, la fuite, les obstacles, l’autre, les tabous, la propagande… C’est une véritable quête de soi. Alors j’ai cherché à attribuer un ordre, une valeur, un sens aux images, pour donner un ordre, une valeur et un sens à ma vie comme producteur d’images. » Diplômé de l’Académie libanaise des beaux-arts (Alba) et de la Fondazione Fotografia Modena, il raconte avoir apprécié de confronter son regard sur la ville avec les autres participants. « L’art au Liban reste l’un des rares espaces de liberté où nous pouvons produire des pensées », souligne-t-il.

L’art comme outil de pensée, c’est aussi l’avis des deux organisateurs. Ils ne comptent d’ailleurs pas s’arrêter au marathon. Après compilation des photos, leur souhait est d’éditer un ouvrage en confrontant les images recueillies au propos des chercheurs qui se penchent sur Beyrouth et ses évolutions. Mais aussi de publier un magazine interrogeant par exemple la gestion de la l’espace public ou les questions de genre, avec comme base de données les quelques 2 000 photographies déjà récoltées. Et pour ne pas que l’exercice reste cantonné au milieu artistique ou intellectuel, leur but ultime est enfin de créer des ponts avec la population. « Encore aujourd’hui certains Libanais ne sortent pas de leur quartier, explique Ali Sayed-Ali. Ici on veut inviter les gens à dépasser les frontières à travers l’image. » Un défi dans une ville où l’appareil photo est parfois, dans certains quartiers, persona non grata. Pour cela, les deux associés ont également décidé d’organiser des expositions itinérantes. « C’est aussi une manière de tester la tolérance du public face à certains thèmes développés comme la politique ou les tabous sexuels et religieux. Mélangées à des images évoquant la maternité, la fête ou des scènes de vie quotidienne, elles font partie d’un tout. Cela peut désamorcer les réticences. »

www.beirutphotomarathon.org

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