Le nom de ce duo de jeunes photographes s’ingénie à dissimuler leur nationalité. Massimiliano Boschini et Mauro Manuini sont tous deux italiens et sont aussi des experts en dissimulation. Jugez-en vous-même : ils photographient exclusivement des décors insalubres, détruits, effondrés. Et ils parviennent à en dissimuler la laideur criante. Avec un talent très typiquement italien, ils esthétisent la vieille pierre, magnifient l’ancien et lui octroient un charme terrible. Mais leur approche n’a rien à voir avec celle des romantiques qui s’extasiaient devant les ruines romaines. Ni avec celle de leurs héritiers, ces légions de mystiques fondus de paysage industriels ravagés aux confins de l’inhumanité. Boschini et Manuini rendent eux la décrépitude funky.
L’exposition se présente dans la salle cubique de Brucie Collection sous la forme de deux bandes horizontales parallèles sur les quatre murs. Les clichés sont collés les uns aux autres pour former comme deux pellicules disjointes, en dépit du fait qu’aucune trace narrative ne soit perceptible dans cette intention. Ce ne sont que des intérieurs de bâtiments abandonnés depuis longtemps. De la simple bicoque à, nous apprend le dossier de presse, une villa du 17ème siècle.
Les photographies de Pommefritz Crew sont remarquablement homogènes et peuvent être aisément divisées en deux groupes égaux : les clichés de salles décrépies ou bien la même chose avec en plus un personnage humain. Dans cette seconde catégorie, ce sont toujours, à une exception près, des modèles féminins. Leur visage n’est jamais visible. S’ils sont impersonnels, ces modèles dynamitent en revanche les photographies. C’est une sorte de mise en abîme de la funkytude du décor. Ils n’ont rien à voir avec les murs moisis, avec les plafonds effondrés et les sols défoncés. Ce sont de belles jeunes femmes élégamment vêtues chaussées d’escarpins onéreux, fixées dans des poses mondaines ou aguicheuses.
Elles n’ont rien à faire dans ces endroits oubliés de tous, où elles pourraient se tordre la cheville à chaque instant, juchées sur de pareils talons aguilles. Ce qui les relie pourtant au décor des photographies, ce sont les couleurs et les éclairages sophistiqués, qui frappent tout d’abord le spectateur par leur incongruité. Le Funky de la décrépitude, ce sont ces trois couleurs primaires omniprésentes. Vert, rouge, jaune. Leur contraste forcené apporte cette esthétisation étonnante. On est aux antipodes de la mélancolie ou de l’arte povera. S’agit-il d’esthétiser la pauvreté et de la rendre attrayante ; s’agit-il de nier la morbidité qui s’étale sous nos yeux ? Pommefritz Crew vous ouvre un large champ d’interprétation.
Formé en 2004 à Mantoue, le duo Pommefritz Crew se fait depuis remarquer dans les milieux de l’art contemporain plus que dans celui de la photographie. Leur slogan très singulier découle de leur nom : “Prenez les frites : il n’y en a pas deux qui soient identiques. Pourtant, lorsqu’on les avale, aucune ne se distingue par son goût”. Chaque chose est unique, mais toute chose est interchangeable. Interprète qui pourra !
Tous les tirages exposés sont au format 50X70cm et sont vendus au prix unitaire de 250 euros
Emmanuel G
La couleur du déclin (The Colour of Decay)
Jusqu’au 18 juillet 2011
Brucie Collections Gallery
55-b Artema Str.
Kiev, Ukraine
Tel : +38 044 205 42 64
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