Le Museum of Archeology and Anthropology à Cambridge, en Angleterre, présente le dernier projet du photographe sud-africain Sabelo Mlangeni, Kholwa: The Longing of Belonging. Développée en collaboration avec Joel Cabrita, chercheur à la faculté de Divinité de l’Université de Cambridge, cette exposition dresse le portrait ambigu de l’église zioniste, la plus grande église chrétienne d’Afrique du Sud.
Lui-même membre de cette église, Sabelo Mlangeni dépeint ses proches et connaissances au travers d’une série de portraits individuels et situations communautaires. Ayant pour habitude de photographier en noir et blanc, Sabelo Mlangeni joue des points de vue, techniques et cadrages pour la réalisation d’images aussi révélatrices que mystérieuses. ‘Kholwa’ signifie ‘croyance’ en zoulou, l’une des langues les plus répandues du pays. Les photographies de Sabelo Mlangeni questionnent l’appartenance du photographe aux situations dont il est à la fois témoin et acteur.
Alors que les portraits représentent distinctement les individus, les évènements morcellent les corps. Les figures sont de dos, coupées, fragmentées ou aperçues au fond d’un paysage. Lorsque les cérémonies s’effectuent dans l’obscurité, le grain de l’image s’agrandit, les contours des corps et de leur tenue blanche se floutent. Les silhouettes disparaissent, miroitent et s’entrelacent à leur environnement. L’aspect fantomatique de ces figures rappelle la poésie et le lyrisme de Santu Mofokeng, dont la thématique du zionisme fut au cœur de nombreuses photographies.
Les portraits individuels, dont l’aspect formel évoque la photographie documentaire de David Goldblatt, sont les témoignages d’une collaboration. Souvent assis, les modèles fixent et posent devant l’objectif, négociant les termes de leur représentation. Ces portraits semblent offrir une ouverture, une appréhension directe du mouvement religieux dont leur protagoniste, et Sabelo Mlangeni, sont les membres. Juxtaposées aux mystérieuses cérémonies et dépourvues de légendes, ces images se parent d’un voile énigmatique. Malgré leur cadrage frontal, les portraits se dérobent au regard du spectateur. Sabelo Mlangeni photographie l’insaisissable.
Comment photographier une croyance ? Où se loge-t-elle ? Dans les expressions, les gestes et les rituels peut-être, l’objectif de l’appareil photographique ou la plume de l’académicien, mais probablement aussi dans l’invisible espace reliant les membres d’une communauté. La photographie choisie pour promouvoir cette exposition illustre cette métaphore. L’image est coupée en deux. Deux figures vêtues d’habits traditionnels sont représentées dans la moitié inférieure de l’image, posant dans un espace agricole. La moitié supérieure ne révèle “rien”. Photographiés par Sabelo Mlangeni, les protagonistes demeurent anonymes. Effacés lors du développement photographique, les deux visages se fondent dans l’espace matériel de l’image, abstrait et fantomatique. Finalement, ce qu’il y a à voir se situerait peut être dans ce que Mlangeni choisit de ne pas montrer.
Suggérer plutôt qu’exhiber semble être la devise du photographe dont l’appartenance teinte de respect et de pudeur la représentation de cette communauté. Kholwa: The Longing of Belonging est une éloge des “bribes” et du secret, rejetant voyeurisme, exotisme et spectacle.
Julie Bonzon
Julie Bonzon est doctorante en histoire de l’art au University College London (UCL), au Royaume-Uni.
Kholwa: The Longing of Belonging – Photographs of Zionist Christians in contemporary South Africa, by Sabelo Mlangeni
Du 13 juin au 10 septembre 2017
Museum of Archeology and Anthropology
Downing St
CB2 3DZ
Cambridge
Royaume-Uni