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Kevin Kunishi : Los Restos de la Revolucion

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Il y a des photographies silencieuses, de celles qui rendent hommage a la nature, a sa beauté simple et généreuse et non a un fracassant sublime, dans lesquelles les personnages sont tirés de leur frénésie quotidienne brutale l’espace d’un instant. Il en va ainsi des photographies de Kevin Kunishi, dont la succession au sein de l’ouvrage publié par Daylight impose un rythme doux qui s’oppose a l’environnement chaotique qu’il étudie. Du Nicaragua, de sa violence, son désordre, nous avons eu les images hantantes de Susan Meiselas. Ce que Kevin Kunishi en capture aujourd’hui est une collection subtile plutot que frontale au sein de laquelle photographies et textes se partagent différentes réalités de ce contexte schyzophrénique et deux parties distinctes du livre. La galerie d’images en petit format carré qui parcourt les 60 premieres pages s’ouvre sur une jungle d’un vert dense dont les lianes en cascade semblent constituer l’acces a un monde énigmatique. Dans cet univers visuel ou se melent les tonalités de brun, de vert et de jaune, les couleurs sont un indice, comme le rouge de ce drapeau peint sur la roche, ou le rose de cette photographie chargée de mémoire altérée par le passage d’un temps tumultueux. Les portraits sont chargés d’une densité dramatique, a laquelle répondent une alternance de natures mortes et de paysages. L’ensemble constitue une narration tendue et délicate, faisant de ces figures bibliques irradiées d’une lumiere chaude et légere les éléments d’une histoire complexe. Immuable, peut-etre, comme semble le suggérer une rose de plastique recouverte de poussiere et semblant s’ériger timidement comme le témoin optimiste de trente ans d’histoire.

Laurence Cornet

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Légendes :

01 – Lieu ou s’est écrasé un hélicoptere MI-24 du FSLN, entre Pantasma et QuilaIT, 2010

02 – Pedrito, QuilalТ, 2010 (Contra)
« La premiere grenade a frappé et tué l’homme qui se tenait devant moi. Ses intestins étaient apparents. Une autre grenade a frappé et m’a projeté en arriere. Elle m’a couté la vue. La poussiere et la fumée se déposait tout autour de moi.
Nous nous sommes arretés dans un petit village en rentrant de QuilaIT. C’est la que j’ai rencontré Pedrito. Il m’a décrit l’explosion de la grenade, le tintement dans ses oreilles, et les cris autour de lui. Il m’a expliqué pourquoi il avait pris les armes, comment il a dit au revoir a sa famille et pris le train de Rio Coco pour le Honduras. Comme la plupart des Contras, il a pris un nom de code afin de protéger ceux qu’il aime a la maison.

03 – Grenade de Raul, WiwilТ, 2010
Grenade a fragmentation M67 en provenance des Etats-Unis déterrée apres 20 ans.

04- Oranger, La Fundadora, 2010

05 – Charillo #003, Jinotega, 2010 (FSLN)
Charillo est sorti des buissons avec des vetements déchirés et couvert de saleté.
Il m’a regardé et demandé : « Américain ?  »
Je lui ai répondu : « Oui, comment le saviez-vous ? »
« Quand je tuais des Contras, ils portaient des chaussures comme les votres. »
Il a souri et est parti errer dans les plants de café qui nous entouraient.
Il gardait ses distances, rentrant rarement a la maison pour diner. Il préférait s’assoir dehors et me regarder manger.
Plus tard, j’ai appris qu’il s’était battu pendant 4 ans dans la jungle et qu’il était le seul survivant de son groupe. Apres la guerre, sans-abri et démuni, il a été retrouvé a errer dans les rues de Matagalpa. Un vétéran du nom d’Antonio l’a emmené vivre avec lui et sa famille et lui a offert un travail dans sa ferme.
Charillo dort sur un lit en bois dans le hangar, entouré de barils de pesticide et d’engrais. Nous partagions le meme mur la nuit. Je l’entendais murmurer des choses aux chatons juste nés et a des gens qui n’existent désormais que dans son imagination.

06 – Sans-titre, 2010

07 – Omar #006, Jinotega, 2010

08 – Tombe de Benjamin Linder, Matagalpa, 2010
Benjamin Linder était un volontaire américain qui construisait une petite centrale hydrolique.

09 – Cerro de los Numeros, Jinotega, 2010
Une montagne, marquée de tranchées, couverte, donnant sur La Fundadora, l’ancienne plantation d’Anastasio Somoza Debalye.

10 – Remigio, La Fundadora, 2009
Sa maison était juste un peu plus haut que le nouveau site de traitement du café rendu inutilisable a cause des voleurs et de la vente de ses éléments les plus essentiels et chers.
La voix de Remigio était comme un murmure rauque d’une trachéotomie, ses phrases étaient rompues par les halètements étouffés de l’air sortant du trou de son cou. Il est a La Fundadora depuis l’époque de Somoza. Il m’a parlé des bouteilles de lait gratuites qu’il recevait le matin, et comment Somoza arrivait dans sa magnifique voiture blindée, et comment d’ou a changé depuis que la plantation a été saisie.

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