Kevin Downs est photojournaliste, il suit l’actualité, principalement locale, le quotidien, le fait divers, la catastrophe, documentant au rythme des aléas naturels et humains la réalité politique et sociale d’un environnement qui n’est la plupart du temps pas brûlant mais n’en demeure pas moins corrosif, un environnement qui est le sien. Plus de deux mois après Sandy, au moment ou les impératifs médiatiques d’une planète folle sur laquelle des incidents éclatent sans cesse et partout, son aspect sensationnel s’est évaporé, placant l’évènement loin dans les esprits, n’en laissant qu’un arrière-gout anecdotique. Ses conséquences à long terme sont peu documentées, faisant l’effet d’un refrain martelant en boucle l’image de zones sans électricité, d’assurances impayées, de supermarchés vides et désertés, des vols à répétition et d’une violence croissante. Cette réalité est pourtant d’actualité. Kevin Downs retourne régulierement à Breezy Point et à Staten Island, suivant une famille avec qui il a passé en novembre les premières nuits dans la pénombre de leur appartement ou partant à la trace d’une femme qui menaçait d’une arme de tuer toute personne qui tenterait de piller les maisons et magasins environnants. Il alerte sur une réalité dont l’impact médiatique s’essouffle sans proportion avec son importance. Pour piquer l’attention sur un quartier en besoin comme pour poser une réflexion sur les codes de l’image journalistique, cette sélection est piochée dans les premieres images de cette série qui se développe au fil de l’évenement, celles réalisée au moment le plus dévastateur de la tempête. Celles, au moment où l’on serait tenté de dire qu’il est soit trop tard soit trop tôt pour les montrer, qui rappellent l’atemporalité du language photographique à condition que son message soit clair. C’est le cas de celles de Kevin Downs, s’appropriant les codes du photojournalisme dans des compositions précises faisant de l’image une icône. Il pénètre son sujet à tel point que certaines images semblent adopter la distorsion du fish eye, avec souvent un élément central – personne, statues ou autre élément individiduel – posté fermement dans un environnement où tout sauf eux bascule. Avec ce temps de recul assez court, certaines images donnent un gout amer, comme celle promettant la reconstruction de Breezy Point. Elles continuent à faire réagir, pour d’autres raisons, suivant dans leur staticité le rythme perpétuel des événements.
Laurence Cornet