Karine Chavas et le voile de la nudité
Annulant soudain l’effet civilisateur du vêtement, via une certaine forme de bondage, – mais pas seulement – Karine Chavas questionne la nudité jamais vraiment apprivoisée, érotisant jusqu’aux lois qui viennent la bannir.
Chaque image épouse le corps avec un sens de la picturalité en effaçant autant l’étoffe qui enserre un visage voué à l’exigeante virginité des moniales que celle qui feint de cacher les filles dites déshonorantes.
Du voile de la nudité surgit un véritable “ cubisme ” identitaire. Il joue sur un rendu simultané des facettes intimes et publiques. L’intimité ne se remodèle pas selon nature : elle s’enrichit par succession de pauses.
Karine Chavas invite à une fouille archéologique symbolique, savante et brutale. Dans les tréfonds obscurs peut s’y chercher l’image d’une autre femme, qu’on aurait côtoyée peut-être du moins rêvée à l’évidence.
Surgit le regard ambigu sur le statut non moins ambigu de la féminité dans une société avide toujours de cloisonnements et de pérennité. L’artiste nous donne à voir le travail de sape salutaire et délétère de la vraie liberté. Celle qui fonde et qui brise, celle qui révélée tend à occuper tout l’espace et faire le vide autour de soi.
Jean-Paul Gavard-Perret