La réception annuelle du prix W. Eugene Smith s’est tenue jeudi 13 octobre 2016, à la School of Visual Arts de New York. Cette année, dans l’habituelle et touchante atmosphère de cette mythique cérémonie, c’est la photographe polonaise Justyna Mielnikiewicz qui a remporté le prix, se voyant attribuer par la même occasion une bourse de 30.000 dollars.
Elle présente ci-dessous son projet intitulé A diverging frontier : Russia and its neighbors.
Le mois de décembre marquera cette année le 25e anniversaire de la chute du Rideau de fer et l’accession à l’indépendance de 15 républiques soviétiques. Certaines sont restées sous influence russe, alors que d’autres, comme la Géorgie ou l’Ukraine, tentent inlassablement de se détacher de cette sphère pour s’arrimer à l’Europe occidentale. Mon projet vise à établir un portrait de la Russie moderne. Je l’ai construit à partir du vécu de ses nations voisines et en particulier celui de ses ressortissants résidant à l’extérieur de ses frontières.
Dans son discours annonçant l’annexion de la Crimée, le 18 mars 2014, Vladimir Poutine évoquait les millions d’habitants qui, avec l’effondrement de l’Union soviétique, devaient s’endormir un soir dans un pays pour se réveiller au matin dans un autre. Du jour au lendemain, ils étaient devenus membres d’une minorité ethnique au sein des anciennes républiques soviétiques. La nation russe formait désormais l’un des plus grands groupes ethniques du monde à être répartis au sein du plus grand nombre de frontières.
La population ethnique russe que l’on retrouve dans la plupart des états post-soviétiques – dont les positions politiques varient d’un pays à l’autre – est énorme et se compte en millions. Pour la dernière phase de mon travail, qui sera réalisée grâce au soutien de la bourse Eugene Smith, j’étudierai la façon dont ces populations ont formé leur loyauté nationale dans le contexte historique, religieux, familial et linguistique, en tant que citoyens de ces pays nés de la dislocation de l’Union soviétique.
Mon projet questionne le concept des frontières en tant que sphères d’influence en constante évolution, des frontières qui chevauchent les limites matérielles tracées sur la carte. Il s’inscrit dans la continuité de travaux importants que je réalise depuis 2001 dans le Caucase et en Ukraine. Le soutien de la fondation Eugene Smith Memorial me permettra de finaliser mon travail et de présenter un guide visuel approfondi et complet de la région, vingt-cinq ans après la chute de l’URSS.
Justyna Mielnikiewicz
Autres prix décernés :
– Lauréat de la Smith Fellowship (5.000 dollars) : Oscar B. Castillo, pour Nuestra Guerra, Nuestro Dolor.
– Lauréat du Howard Chapnick Grant : Liza Faktor, pour Practicing Transmedia in Photojournalism.
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